Olivier Chaudenson

Le garçon est grand, très, détendu, urbain. Ouvert mais en léger retrait. Une allure de chanteur de brit-pop en train de mûrir chic. Pas le genre à donner dans la complicité mondaine et tutoyante, dans l’étalage show-off des ambitions. A la table de mixage de la Maison de la poésie depuis février 2013, Olivier Chaudenson a l’air d’un directeur heureux. Lui dit sans s’exalter : "Je dispose d’un outil magnifique." Soit un charmant théâtre idéalement implanté en plein cœur de la capitale, un établissement de la Ville de Paris, et dédié désormais à la littérature de création "live".

Efficace, fidèle

Dans le milieu, il est facile de trouver à Olivier Chaudenson des complimenteurs. Le portrait est souvent flatteur : chef d’équipe sérieux et motivant, efficace promoteur qui, des coulisses, se met au service des auteurs… Bref, tout le monde semble trouver qu’il fait du bon boulot. Ce n’était pourtant pas gagné. Sa nomination sur proposition du président Bernard Comment, après la poussée vers la sortie du précédent directeur Claude Guerre, avait en effet alarmé certains nostalgiques de l’ancienne équipe, qui soupçonnaient dans ce choix une manœuvre pour déshabiller la maison du dernier terme, vital, de son nom : la poésie. Le projet porté par Olivier Chaudenson a visiblement assez vite fait taire les contrariés. Il faut dire que le nouveau promu n’était pas si nouveau et présentait quelques gages. Venu d’une agence de conseil après un DESS en gestion de la culture à Paris Dauphine, Olivier Chaudenson testait déjà avec succès depuis quatorze ans à Manosque le concept de "scène littéraire", une formule imaginée avec l’écrivain Olivier Adam. Des cartes blanches données aux auteurs pour imaginer des rapprochements artistiques, en particulier avec la musique. "Hybridation", "échappées", "fusion".

A la Maison de la poésie, équipée de deux salles de spectacles de 160 et de 45 places, il a ajouté le mot "permanent" à celui de "festival" et a pu réaliser son vieux rêve de lieu dédié aux auteurs et à une transmission vivante de la littérature. Ça donne 250 à 300 soirées par an. Un rythme soutenu, des délais de bouclage des programmes raccourcis au plus juste pour rester réactif. Des rencontres classiques aux lectures musicales, des petites séries aux rendez-vous mensuels. "Tout est possible."

"Lévénementiel, c’est des mois de travail pour quelques jours. Là, on peut expérimenter une autre forme de durée et de construction" L’événementiel, cependant, il ne l’a pas complètement abandonné : du 14 au 23 novembre, aura lieu Paris en toutes lettres, le festival littéraire de la Ville de Paris voulu par Bertrand Delanoë en 2009, interrompu en 2012 faute de moyens. Depuis qu’il est rattaché à la Maison de la poésie, Olivier Chaudenson voit le festival comme un temps fort, plus dense, "feux d’artifice visible et coloré" dans le cours de la programmation permanente. Et une occasion de "hors les murs" puisqu’il se déploie dans une quinzaine de lieux du quartier du Marais.

L’autre qualité que l’on peut reconnaître à Olivier Chaudenson, c’est la constance. "Je travaille dans la fidélité", confirme-t-il. Certains acolytes l’accompagnent dans ses aventures depuis fort longtemps, comme l’écrivain Arnaud Cathrine qui, avec Colombe Boncenne et Victor Pouchet, figure dans l’organigramme de la Maison comme conseiller artistique. Moins présent à Manosque même s’il continue à suivre la programmation, Olivier Chaudenson a confié à Evelyn Prawidlo, une autre complice de longue date, la direction déléguée des Correspondances. Cette fidélité n’est-elle pas un problème avec un risque d’entre-soi, d’esprit de clan ? "On lit tous assez largement au-delà de nos goûts, argumente-t-il. A Manosque, chaque année, on essaie d’inviter 50 % d’auteurs qui ne sont jamais venus." Et puis l’autre avantage d’un lieu permanent, c’est que les projets arrivent sans qu’on ait forcément besoin d’aller les chercher.

A son arrivée, Olivier Chaudenson a engagé une réforme de la structure dont les frais de fonctionnement, dit-il, absorbaient presque intégralement la subvention de 900 000 euros. Il a également fait entrer trois nouveaux partenaires institutionnels : le CNL, la Région Ile-de-France et la Sofia. Dans une seconde phase de développement du projet, il imagine une maison plus ouverte encore avec des possibilités de résidences pour les auteurs étrangers. "Une fois l’empreinte du projet bien posée, ancrer mieux, ouvrir plus." Fidéliser et rajeunir. "Aller chercher des publics plus éloignés du livre", notamment cette fameuse tranche des 18-30 ans. Récemment, il a trouvé les premiers tags dans les toilettes de la Maison. Un signe qui l’a "réjoui". Plus prosaïquement, il voudrait faire communiquer le restaurant mitoyen avec le hall d’accueil qu’il souhaiterait voir vivre toute la journée. Ouvrir, toujours.

Relier, être un lieu carrefour

Selon son fondateur, Les Correspondances de Manosque, avec son public abondant, local et régional à 85 %, est un festival arrivé à maturité, adapté à la taille de la ville. "Ce serait une erreur de multiplier les propositions. Je me méfie des choses qui grandissent trop." S’étendre plutôt que grossir. Des essais de déclinaisons ont aussi été tentés : réussi, comme à Eastman au Québec, ou greffe ratée comme Les Correspondances de Tanger, dont la première édition en 2012 n’a pas eu de suite. Une déconvenue. "On ne peut pas plaquer une programmation mécaniquement. Il faut un partenaire sur place qui connaît intimement la ville. C’était trop lourd pour la librairie des Colonnes. Mais des liens ont été construits", se console-t-il. Relier : l’autre grand credo d’Olivier Chaudenson. C’est ainsi qu’il a créé en 2005 l’association Relief pour fédérer les événements culturels et littéraires. "Il faut jouer en réseau. Nous ne sommes pas si nombreux àtravailler pour la littérature, il faut le faire ensemble." Dans ce dispositif élargi d’échanges et de transmission, il voit la Maison de la poésie comme un "lieu carrefour".

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