Post scriptum animal triste. Foutue page blanche. Il fallait bien que cela lui arrive, qu'elle reste immaculée. Ce cauchemar de tout écrivain, Olivier Bourdeaut l'a vécu. Douloureusement. C'était d'abord quelque part en Espagne où le romancier vit désormais. Plus rien. Plus d'encre, plus de mots. Disparue la profuse fantaisie noire d'En attendant Bojangles ou de Florida (Finitude, 2016 et 2021). Pas d'histoire, pas de personnages. La panne. Bourdeaut a alors l'idée − a priori judicieuse − de s'en remettre au décor. Une cabane à Ibiza, en solitaire, dans la montagne avec vue sur mer et si tout va bien, le livre à venir. Mais rien n'y fait, pas même les hectolitres de café avalés, rien ne vient.

Rien si ce n'est les souvenirs, pas tous heureux en plus. Puisque l'écriture a fichu le camp, l'écrivain va s'en remettre à ces années également perdues où elle n'était pas encore là. Une vie ou une jeunesse, c'est du pareil au même, vécue dans la plus grande dissipation, à hue et à dia, sans perspectives et désirs autres que purement fantasmatiques. L'histoire en somme d'un cancre, d'un bon à rien, vers l'Ouest de la France. Olivier Bourdeaut était un enfant qui détestait l'école. Il devint un jeune homme qui n'avait pas plus de goût pour le travail. À moins que ça ne soit l'inverse. Peu importe, agent immobilier ou employé dans la restauration, les échecs succèdent aux désastres. Le virtuose de la procrastination file obstinément un mauvais coton. Côté vie privée, ce n'est guère plus brillant. Olivier n'est pas un mauvais garçon, juste une sorte de Bartleby de Loire-Atlantique. Un type qui « préfère ne pas » si ce n'est lire. Qui croise accidentellement Jean Reno et Marc Levy et s'imagine que son destin va en être changé... Un mal parti. Jusqu'à ce que l'écriture...

Ce portrait de l'artiste en raté pourrait n'être tissé que de complaisance. C'est exactement l'inverse. L'auteur ne geint jamais et nous épargne tant le monde cruel que l'accablant « famille, je vous hais ». Tout est grinçant, follement drôle. Bourdeaut a peut-être écrit là son meilleur livre. Spoiler : à la fin, elle est retrouvée, l'éternité.