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Nid-de-pie, nouvelle maison de sciences humaines et sociales

Hélène Seiler-Juilleret et Silvio Abbaz se sont rencontrés en 2020. Ils ont quitté leurs carrières respectives pour se consacrer à Nid-de-pie - Photo Nid-de-Pie

Nid-de-pie, nouvelle maison de sciences humaines et sociales

La maison d’édition indépendante Nid-de-pie a choisi de se spécialiser en sciences humaines et sociales. Son catalogue, qui comptera quatre parutions par an, s'ouvrira le 10 septembre avec un premier titre, La Lettre absente, signé Gwenaëlle Aubry.

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Par Élodie Carreira
Créé le 11.07.2024 à 09h30

Les statuts ont été déposés en juillet 2023. Pourtant, il aura fallu plus d'un an avant que le premier ouvrage de Nid-de-pie, maison d'édition spécialisée en sciences humaines et sociales, ne voie le jour. « Comme tout nouvel éditeur, on a tout donné sur la création du catalogue et l'objet livre », raconte Silvio Abbaz, cofondateur avec sa compagne et associée, Hélène Seiler-Juilleret. Installée près de la commune provençale de Sisteron (Alpes de Haute-Provence), la maison ouvrira son catalogue le 10 septembre avec La Lettre absente de la romancière et philosophe Gwenaëlle Aubry, lauréate du prix Femina en 2009.

« On voulait que la maison d’édition soit pour nos auteurs une bouffée d’oxygène »

Sociologie, anthropologie, histoire et philosophie irrigueront essentiellement les quatre essais, enquêtes, témoignages et ouvrages de recherche publiés chaque année par la maison. Pour se distinguer des éditeurs de recherche et des presses universitaires, les deux fondateurs ont voulu diversifier les formats et octroyer une plus grande liberté d’écriture à leurs auteurs. « En sciences humaines et sociales, les publications sont de plus en plus encadrées par des protocoles, des normes dans la formulation du savoir. On voulait que la maison d’édition soit pour nos auteurs une bouffée d’oxygène et qu’ils puissent restituer leur réflexion en se la réappropriant », explique la cofondatrice de Nid-de-pie. Les deux éditeurs ont également pris le parti de réduire l’appareil scientifique, comme les nombreuses notes de bas de pages. Un moyen d’alléger la densité des ouvrages et de rendre leur contenu plus lisible, « sans pour autant tomber dans la vulgarisation », souligne Hélène Seiler-Juilleret.

Nid-de-pie
Les fondateurs ont choisi pour logo une pie perchée, métaphore du recul intellectuel des chercheurs sur les enjeux du monde.- Photo NID-DE-PIE

Docteure en sociologie et éditrice dans la recherche en sciences humaines et sociales (CNRS Éditions, EHESS, Université de Lille), Hélène Seiler-Juilleret a voulu renouer avec un travail d’édition au plus près des textes et des manuscrits qu’elle connaissait moins depuis qu’elle était devenue responsable éditoriale.

En 2022, alors qu’elle exerce à l’Université de Lille où l’a suivie son compagnon, elle se surprend un jour à contempler, depuis son bureau au rez-de-chaussée, un ballet de pies. Il n’en faudra pas plus pour que l’oiseau symbolise la nouvelle maison, de son intitulé sous l’expression d’une vigie, à son logo sur les livres couleur pastel designés par Flory Valerio-Reyes.

De la diversification des formats et des sujets

Derrière le nid-de-pie, reste l’idée d’un poste d’observation, et ici, d’une distanciation intellectuelle propre au travail des chercheurs. L’essai littéraire de Gwenaëlle Aubry, tiré à 2 500 exemplaires, interroge les dynamiques de la poétique romanesque de l’autrice. Et s’inscrit ainsi dans la collection « Laboratoire de la création » dirigée par Gisèle Sapiro, spécialiste des intellectuels et de la littérature, avec laquelle Hélène Seiler-Juilleret a collaboré à de nombreuses reprises, notamment pour le Dictionnaire international Bourdieu (CNRS Éditions, 2020). « Elle avait envie de donner la parole aux artistes contemporains, qu’ils puissent parler de leur vocation, du rapport qu’ils entretiennent avec leur œuvre. À quel moment se sont-ils sentis artistes, auteurs ? Quelle est leur trajectoire, leur moteur de création ? », explique l’éditrice de la maison, pour mieux définir l’axe plébiscité pour le label.

Nid-de-pie
Hors collection, le livre de Fanny Charrasse paraîtra en 2025.- Photo NID-DE-PIE

Hors-collection suivra La Terre des enchantements, carnet de terrain de l’anthropologue et sociologue Fanny Charrasse à paraître le 5 novembre prochain. La chercheuse y retranscrit une enquête anthropologique sur la pratique du chamanisme au nord du Pérou alors que ce dernier est devenu patrimoine culturel national et que sa dimension magico-religieuse a pu être mise à mal.

Puis, au printemps 2025, la maison abordera, avec la journaliste Émilie Petit via son enquête Militants écologistes sous haute surveillance, les contraintes diverses qui s’exercent sur les actions écologistes et qui restreignent peu à peu les marges de manœuvre des militants. Enfin, la sociologue de la littérature Claire Ducournau s’intéresse, dans Écrire et s’engager, au tandem littéraire constitué par Marie Ndiaye et Jean-Yves Cendrey dont la synergie, tant dans les postures littéraires et les prises de position en public que dans l’écriture, a su déjouer les conventions de genre. 

Tournée des librairies françaises

Au total, quatre ouvrages paraîtront par an, dont un dans la collection « Laboratoire de la création ». « Chacun sera tiré entre 1 500 et 2 000 copies », précise Silvio Abbaz, à qui ses bagages informatiques, statistiques et comptables permettent d’assurer la gestion administrative et financière de la maison. « Ce sont des compétences qui me permettent aujourd’hui de parler avec l’imprimeur, trouver les prix adéquats des ouvrages et de fixer les tirages », souligne-t-il.

Pour couvrir les frais de la nouvelle maison, Silvio Abbaz a placé le point mort à 40 % du tirage par ouvrage, l’excédent permettant de financer les prochaines parutions. Quid des salaires ? Les deux fondateurs ne se rémunèrent pas pour le moment, et continuent d’assurer quelques prestations en parallèle de leur nouvelle activité.

Lors de la tournée de diffusion, les premiers titres, distribués par Pollen, rencontrent des libraires enthousiastes. « En deux semaines, on a rencontré une trentaine de libraires en région PACA et à Paris, auxquels on a montré notre premier livre, se réjouit Silvio Abbaz. C’est génial de pouvoir diffuser soi-même ! On discute beaucoup avec les libraires sur la façon dont ils vendent les titres, et ils nous donnent de nombreux conseils. Ce sont des échanges très humains ! ».

Et pour lancer la rentrée en grandes pompes, les deux fondateurs de Nid-de-pie comptent bien passer l’été sur la route, à écumer les librairies des quatre coins de l’Hexagone.

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