Livres Hebdo : Cette année, et contrairement à ce qui était prévu, Lyon BD va concentrer ses événements dans le nouveau lieu que vous venez d’investir, le Collège Graphique, réduisant ainsi drastiquement l’ampleur du festival. Que s’est-il passé ?
Nicolas Piccato : Nous n’avions simplement pas les moyens humains de gérer les questions de production les plus complexes. L’équipe de Lyon BD, c’est cinq équivalents temps plein, et certains ne sont plus là, rendant la tâche des autres impossible. Nous avons étudié la possibilité de recourir à d’autres prestataires, mais à deux mois du festival, nous n’avons pas voulu prendre le risque de travailler avec des gens que nous ne connaissions pas.
Mais y aura-t-il quand même un festival ?
Oui ! Et bonne nouvelle, il sera gratuit. Les expositions chez nos partenaires (mairie du 2e arrondissement, Maison de l’architecture…) auront lieu. Des rencontres, animations, fêtes seront organisées au Collège Graphique comme à la Comédie Odéon, et juin sera bien la saison de la BD dans toute l’agglomération. Mais ce sera plus modeste que d’habitude.
Lyon BD s’est-il vu trop grand et trop beau, trop vite ?
Notre président, Philippe Brocard, parle de crise de croissance et je le rejoins là-dessus. Mais je suis aussi dans la réflexion de ne plus faire de Lyon BD un festival purement événementiel, trop usant en termes de ressources humaines, trop coûteux, trop peu écologique. L’idée serait d’avoir une programmation mieux étalée sur le mois de juin et sur l’année. Le Collège Graphique nous y aidera. Bien sûr, je ne pensais pas lancer ce chantier à deux mois de l’ouverture, mais les circonstances nous poussent à accélérer l’évolution.
Comment ont réagi les pouvoirs publics, qui sont les principaux financeurs de Lyon BD ?
Après avoir mûri notre décision, ce sont les premiers que nous avons alertés. Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe à la culture à la Ville de Lyon, est tout de suite venue nous voir pour comprendre la situation. Et nous assurer de son soutien et nous accompagner dans la transformation. La Métropole et la Région Auvergne-Rhône-Alpes nous appuient aussi. Ces énergies positives, comme les messages chaleureux des nombreux éditeurs qui devaient venir, nous ont fait du bien.
L’annulation de la journée professionnelle du vendredi, qui se tenait à l’Hôtel de Région, égratigne votre image.
C’est une vraie déception, mais nous n’avions pas les moyens humains de l’organiser dans de bonnes conditions. Il y aura néanmoins des rencontres professionnelles le samedi, au Collège Graphique, et nous souhaitons les rendre récurrentes sur l’année.
Comment ont réagi les libraires à l’annulation des stands qu’ils devaient tenir ?
C’est un coup dur pour tout le monde, car on allait avoir pour la première fois un espace comics et un espace mangas, tenus par Comics Zone et Momie… Mais tous nous ont aussi assurés de leur envie de trouver des solutions. Nous allons ainsi reproduire le « parcours librairies » avec des dédicaces dans toutes les librairies motivées. Car notre vocation est de faire venir et de rémunérer les auteurs, et nous ne voulions pas revenir sur ça.
Finalement, est-ce que tout cela n’est pas la conséquence de l’absence d’un lieu unique et central qui regrouperait tous les événements ?
Il s’agit d’une question essentielle pour la suite, d’autant que le Palais de la Bourse [où sont traditionnellement installés les stands, et qui accueille aussi Quai du polar, NDLR] propose des conditions d’exploitation peu souples… L’ouverture du Collège Graphique, avec les bureaux de Lyon BD, des espaces d’exposition, des ateliers pour les auteurs, une belle cour pour accueillir du public, est une partie de la réponse. Mais d’autres lieux sont intéressants, comme l’ancien musée Guimet ou le Palais de Bondy. Tout cela est en réflexion, car cela ferait évoluer la nature du week-end de Lyon BD. Alors même que nous souhaitons développer des expositions qui dureraient plus longtemps que 2 ou 3 jours, afin d’accueillir des scolaires, et des rencontres et animations toute l’année…
Le modèle des Rencontres du 9e art d’Aix-en-Provence, qui s’ouvrent ce week-end pour deux mois, et qui n’organisent pas de stands de dédicaces, vous séduit-il ?
Non, pas totalement, car Lyon a un vivier d’auteurs dynamiques et a vocation à accueillir de nombreux auteurs, notamment étrangers, parfois même en résidence. Et de rémunérer leur temps de dédicaces. Mais il faut trouver le bon équilibre entre un grand week-end événementiel et une programmation plus diffuse.
Comment repartir sur un nouveau cycle l’an prochain ?
Il est trop tôt pour tirer toutes les conclusions, mais nous serons obligés de renforcer les équipes, c’est certain. Ensuite, un comité de pilotage devra dessiner la stratégie de Lyon BD sur l’année.
À titre personnel, vous attendiez-vous à de tels soucis ?
Je suis arrivé voilà deux ans, et je savais que je devrais gérer le post-Covid et les nouvelles habitudes de travail que la pandémie a engendrées. Mais je ne pensais pas que ce serait si violent… Néanmoins, j’avais notamment pour mission de faire emménager Lyon BD dans le Collège Graphique et c’est réussi. Je garde le sourire !