En ces temps de réchauffement climatique, il n’y a pas que les glaciers qui fondent : écrivaines et écrivains aussi. Soleil de plomb à Nancy pour la 45e édition du Livre sur la place, premier salon de la rentrée littéraire, en particulier sous le chapiteau central dressé place de la Carrière… Malgré la chaleur, le public a afflué pour se faire dédicacer les ouvrages de ses auteurs favoris. L’événement littéraire nancéen s’est clôturé avec une belle fréquentation : un peu moins sous ledit chapiteau (130 000 visiteurs comparé à 135 000 l’année précédente) mais globalement plus de monde dans les divers hauts lieux de l’ancienne capitale des ducs de Lorraine à travers un programme de lectures, rencontres, et autres spectacles fort dense.
Quant aux prix remis au long du week-end, comme chaque année, ils alimentent en carburant la machine à spéculation des grands prix littéraires d’automne (voir encadré). C’est ainsi Julie Héraclès qui a remporté le prix Stanislas 2023 du meilleur roman de la rentrée littéraire avec Vous ne connaissez rien de moi (JC Lattès), à l’unanimité d’un jury présidé par Clara Dupont-Monod.
🥰📚☀️ L'édition 2023, c'est fini ! Il aura fait chaud, très chaud même durant cette 45e. Aucune place n'a a été laissée à la tiédeur, à l'image des conversations passionnées, engagées, parfois émouvantes ou subversives des écrivains, qui ont nourri l'imaginaire des lecteurs ⤵️ pic.twitter.com/XAHadHOxca
— Le Livre sur la Place (@Livresurlaplace) September 11, 2023
Rumeurs et rires
Dans ce raout du livre qui ouvre le bal des festivals et salons littéraires, les rumeurs vont bon train, car le mercato éditorial s’agite quelle que soit la saison. Sans doute eût-il fallu un chef du protocole pour le dîner officiel, tant les sensibilités étaient à fleur de peau, mais l’ambiance était dans l'ensemble conviviale au cours de ce week-end lorrain, comme autour de cette table-ronde réunissant autour de Dorothée Cunéo, directrice de Denoël et Jean-Luc Fromental directeur de la collection de romans graphiques « Denoël Graphic » qui fête ses 20 ans, Posy Simmonds l’autrice des aventures de Tamara Drewe, Antonio Altarriba le scénariste de L’art de voler, Steven Appleby l’auteur du superhéros trans Dragman, ou Marcelino Truong, dessinateur lettré d’une autofiction sur le Viêt-Nam. « Très vite ! » répond Jean-Luc Fromental, lorsqu’on lui demande comment qualifier cette période à la tête de ce catalogue emblématique. « Oui, incroyablement vite, tellement on a eu la tête dans le guidon… mais on a tenu une ligne extrêmement cohérente, quand je repense au pitch proposé à Antoine Gallimard et Olivier Rubinstein [ndlr ex-directeur de Denoël] il y a deux décennies et que j’ai proposé de lancer cette collection. »
Le reste de la programmation a imaginé bon nombre de « couplages » fort cohérents et fonctionnant parfaitement : Sylvain Prudhomme et Hugo Lindenderg sur les secrets de famille, Claire Marin et Charly Delwart sur l’identité et les possibles ou encore Antoine Wauters et Elisa Shua Dusapin autour de l’intime et de la langue... Éric-Emmanuel Schmitt et Philippe Claudel nous ont fait rire avec une lecture de lettres échangées sur la question de l’humour, intitulée « Qu’est-ce qui te fait rire ? ». En solo, le prix Nobel de littérature 1986 Wole Soyinka nous a impressionné avec son énergie créative et sa puissance d’analyse restées intactes, Dominique Blanc nous a ému par sa seule présence sur scène et pour ses mots sur ses débuts au théâtre… Pas de chef du protocole, certes, mais en la personne de la commissaire générale du Livre sur la Place, Sarah Polacci, une excellente cheffe d’orchestre.