Longtemps pensée uniquement à travers le prisme de l'inscription, la fréquentation des bibliothèques ne s'y résument pourtant pas.
» confirme cette idée.
Si le taux d'inscrits était estimé entre 19 et 21% en 2005, l'enquête de 2016 le mesure à 16%. Ce résultat confirme la tendance repérée par les
synthèses annuelles sur les BM effectuées par le Service du livre et de la lecture. Le taux d'emprunteurs actifs s'élevait à 14,7% en 2005 et à 13% en 2014 (dernier chiffre connu). On repère donc bien un léger repli de cette fonction ancienne de la bibliothèque comme pourvoyeuse de documents.
L'élargissement et la diversification des collections vers d'autres supports que le livre ne suffisent pas à compenser la réduction de la demande de documents vers laquelle font pencher à la fois la baisse des pratiques de lecture d'imprimés et le basculement des pratiques culturelles vers le numérique. A juste titre, le rapport souligne toutefois que le taux d'inscrits ne prend pas en compte ceux qui bénéficient de l'inscription d'autre(s) membre(s) du foyer. Il estime à un quart la part des 15 ans et plus vivant dans un foyer dont au moins un membre d'une bibliothèque.
Malgré ce repli de l'inscription, l'enquête enregistre une augmentation de la fréquentation.
Si 35% des personnes interrogées disaient avoir fréquenté au moins une fois dans l'année une bibliothèque municipale en 2005, ils sont 40% à le faire en 2016. Cette hausse tient d'abord à l'accroissement de la fréquentation occasionnelle. Les bibliothèques n'ont pas tant séduit les usagers intensifs que des visiteurs ponctuels. La qualité de l'accueil, le confort du lieu, la diversité des animations forment autant de conditions favorables à cet usage ponctuel accru. Nul doute que l'élargissement des horaires d'ouverture et l'affichage de la gratuité soutiendraient encore davantage ce mouvement que les synthèses du SLL avaient déjà repéré à travers l'augmentation du nombre de visites par an et par habitant. La fréquentation change de visage et s'appuie davantage sur l'espace que sur les collections proposées. C'est une recomposition que pointe bien le rapport quand il écrit : «
En 1997, 69% des usagers étaient inscrits, vingt ans plus tard, ils ne sont plus que 39%, soit près de deux fois moins. La majorité des usagers d'une BM vient donc aujourd'hui y faire autre chose qu'emprunter des documents ».
A partir des questions sur les usages de la bibliothèque, l'enquête évalue à plus d'un tiers la proportion d'usagers qui n'empruntent jamais ni livres, ni presse, ni DVD, ni CD. Cette proportion importante justifie la nécessité de prendre en compte d'autres indicateurs que le nombre d'inscrits dans l'évaluation de l'activité des bibliothèques. Plus que jamais,
les établissements doivent compter le nombre de visites dont ils font l'objet afin de pouvoir justifier de cette action importante mais qui risque de passer sous silence. C'est d'autant plus crucial à l'heure où les collectivités locales sont à l'affût de toute économie possible dans leurs dépenses. C'est encore plus justifié quand on sait, par l'enquête, que la durée moyenne des visites des usagers qui ne font qu'emprunter s'élève à 30 minutes contre 50 minutes en moyenne. Cela signifie que l'accueil des autres usages, suppose plus de personnel que la traditionnelle fonction de prêt.
Si
l'emprunt de livres n'est plus l'usage ultra-dominant, la bibliothèque demeure largement marquée par ses collections d'imprimés. La lecture de livres et de la presse sur place arrivent comme les activités les plus pratiquées (respectivement par 51% et 26% des usagers). La bibliothèque est bien ce lieu du livre et de la lecture en acte. Cette occasion d'être seul(e) ensemble, réuni(e)s par cette pratique ancienne et fondatrice de notre culture.
La bibliothèque est aussi beaucoup (notamment au moment du bac et du brevet mais aussi plus largement) un lieu de travail.
15% des usagers viennent sur place pour travailler sur leurs propres documents et la même proportion ont recours aux documents de la bibliothèque pour leur activité laborieuse. On peut d'ailleurs faire l'hypothèse selon laquelle l'élargissement des horaires d'ouverture serait à même de donner une importance grandissante à cette pratique.
Constatons aussi la proportion non négligeable d'usagers (17%) qui évoquent la visite d'une exposition comme pratique à la bibliothèque. Cette offre visible retient l'intérêt et la mémoire de cette minorité active dont il faudrait pouvoir dresser le portrait de façon plus fine en termes d'âges, d'inscription, de fréquence des visites, etc.
L'enquête mesure donc bien les pratiques dont les bibliothèques font l'objet au-delà du rapport aux collections et leur poids respectif. Elle ne peut pas en revanche estimer précisément la fonction sociale qu'elle remplit à travers toutes ces pratiques. Car enfin qu'il s'agisse d'emprunter un document, de lire sur place, de visiter une exposition, de travailler sur place ou d'accompagner ses enfants, dans tous ces cas la bibliothèque offre un cadre en partage. Chacun l'investit avec ses propres goûts et ses propres préoccupations mais il offre la faculté de rassembler tous ces usagers si différents. En cela, elle répond à la fois à l'aspiration de nos contemporains à l'autonomie dans leurs pratiques et à la nécessité pour notre collectivité de construire ce qui nous réunit tous au-delà de nos singularités.