Les professions de foi meurent par excès de certitude. Comme l’anaphore présidentielle, moi président de la République, la volonté de l’objectivité a fait long feu chez les historiens. "Toute écriture de l’histoire qui n’a pas conscience que les actions et les intrigues rapportées ne recoupent pas la réalité du passé est potentiellement porteuse d’une dimension mythologique."Shlomo Sand n’est pas du genre tiède. Il a le sens de la formule et ses intuitions sont souvent frappées au coin du bon sens. Elles ont en tout cas le mérite d’échapper au consensus mollasson et de provoquer la discussion.
Après avoir expliqué qu’il ne fallait pas traiter Israël différemment des autres peuples et que la notion de "peuple juif" reposait sur une fiction (Comment le peuple juif fut inventé, Flammarion, "Champs", 2010), l’historien israélien explique que l’histoire est toujours pervertie, même inconsciemment, par le rôle qu’on lui attribue. Il revient ainsi sur les débats autour de la mémoire, des commémorations et sur la manière dont on a fabriqué l’Antiquité ou l’identité européenne.
En quatre étapes puisées dans son parcours personnel, ses rencontres, ses lectures et son enseignement à l’université de Tel-Aviv, il montre les limites du discours historique et interroge son propre rapport à l’histoire. "Il faut étudier l’histoire avant tout pour savoir comment s’en libérer." Sinon, on risque d’apercevoir assez vite le crépuscule d’une discipline qui a tendance à se transformer en culte officiel de la nation. En définitive, il ne manque à cet essai enlevé qu’une seule prudence : un point d’interrogation dans le titre. L. L.