Avant-critique Roman

Michael Cunningham, "Un jour d'avril" (Seuil)

Michael Cunningham - Photo © richard phibbs

Michael Cunningham, "Un jour d'avril" (Seuil)

Rentrée littéraire

Dans un roman d'une grande tension émotionnelle, Michael Cunningham explore les vies intérieures d'une famille de Brooklyn, avant, pendant et après le confinement.

Parution 19 août

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Par Olivier Mony
Créé le 11.07.2024 à 09h00

Le tumulte du cœur. Depuis La maison du bout du monde (Presses de la Renaissance, 1992) et surtout les chefs-d'œuvre que sont De chair et de sang (Belfond, 1995) et Les heures (Belfond, 1999, prix Pulitzer), impossible de s'y tromper : Michael Cunningham est un immense romancier des passions, familiales, amoureuses et des allers-retours des unes aux autres. Cet auteur gay, qui se refuse absolument d'en faire une identité, seulement un endroit d'où il parle et écrit, porte une voix aussi sensible que parfois cruelle. Son dernier livre, un recueil de nouvelles, Ils vécurent heureux, eurent beaucoup d'enfants et puis..., était paru en France en 2016 (Belfond). Le voilà de retour et rien n'a changé (hormis son éditeur français, désormais le Seuil), tout est toujours aussi juste.

Trois jours d'avril dans le quotidien d'une famille new-yorkaise. 5 avril 2019, dans une maison (un peu trop petite) de Brooklyn. Le couple formé par Dan et Isabel se fissure à bas bruit. L'un et l'autre trouvent refuge auprès de leurs enfants, Nathan, 10 ans et Violet, 5 ans. Et aussi auprès du jeune frère homo d'Isabel, Robbie, qui vit dans le grenier en compagnie virtuelle d'un avatar plus glamour qu'il ne croit pouvoir l'être. 5 avril 2020, le monde s'est arrêté. Le confinement transforme les maisons en prisons. Les enfants ont peur. Isabel et Dan ne se parlent presque plus et Robbie n'est plus là pour leur servir d'alter ego, il est bloqué en Islande... 5 avril 2021, tout a changé, tout est consumé. La famille pour exister encore doit savoir se conjuguer au passé.

Il faudrait d'abord souligner la forte tension émotionnelle qui sourd tout au long de ce roman. Ses lecteurs le savent, en la matière, Michael Cunningham est un maître (une sorte de Richard Ford en plus upper class et new-yorkais). Ses confrères ne s'y sont d'ailleurs pas trompés et tant Ocean Vuong que Colm Tóibín ont fait part de toute leur admiration. Les maisons, les pandémies (hier le sida, aujourd'hui le Covid)... on est là au cœur des grandes obsessions romanesques de Cunningham. Il montre aussi qu'un couple hétéro avec enfants n'est qu'un modèle parmi d'autres, ni plus ni moins héroïque, érotique ou complexe qu'un autre. L'auteur prête à chacun de ses personnages une attention particulière. L'humanité de tout cela est, comme toujours chez lui, bouleversante.

Michael Cunningham
Un jour d'avril
Seuil
Traduit de l’anglais (États-Unis) par David Fauquemberg
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 22,50 € ; 320 p.
ISBN: 9782021547825

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