Un homme vit emprisonné dans la maison qui l'a vu naître. Il partage son existence avec sa mère. Les années sont passées. Elles se sont envolées à toute allure, en emportant ses rêves. L'homme ne se sent pas particulièrement malheureux, mais il étouffe depuis longtemps. Un jour, il décide de fuir sans but précis, si ce n'est celui d'aller de l'avant. Est-il vraiment possible de ne pas regarder en arrière ? Parfois, il est étranglé par les doutes ou les remords, mais il suit son instinct. Il a besoin de nouvelles sensations et de paysages inédits. Tel un être sauvage, il se jette dans l'errance de la dernière chance. Son objectif ? « Mettre le passé en mouvement. Je veux tout oublier, oublier même que je suis un homme. » Mais son corps se rappelle à lui. Ce fardeau a besoin de se débarrasser de ses oripeaux, mais on ne change pas de peau en un clin d'œil. Tout comme le héros, il prend des coups. Traverser la ville d'Istanbul comporte des dangers. Celui de se faire agresser ou d'être confronté à la faim. Or il y a aussi de belles surprises, telles les rencontres avec un ramasseur de déchets ou des limaces après la pluie. La réalité turque apparaît vaguement lorsqu'il croise des réfugiés syriens, un prisonnier kurde ou une petite orpheline. Chacun se demande finalement où est sa place. Imperturbable, le héros poursuit son chemin de fortune. Il rêve « d'un endroit sans personne. » Un appel de la nature qui correspond à son manque d'oxygénation. Le narrateur kafkaïen « se demande : qu'est-ce qui m'a traîné jusqu'ici ? Je crois que ma vie n'a jamais eu d'histoire. » Raison de plus pour se métamorphoser au fil de ses pas. Une réflexion identitaire rondement menée par Ayhan Geçgin. L'auteur, né en 1970, y insuffle un mélange de philosophie et de poésie minimaliste. Un conte qui fait songer à La Route de Kerouac ou au Petit Prince de Saint-Exupéry.