L'autre jour, sur le site de l'Express, ce titre : «  A J - 19, le journal de bord du Goncourt  ». Ma première réaction ? «  Je les hais ! je les hais ! je les hais !  ». C'était une idée que je caressais depuis un moment : tenir une chronique quasi quotidienne (et si possible trash) de l'avant-Goncourt. Ma flemme m'aura porté tort : l'Express m'a doublé. En plus, ils s'y sont mis à quatre, dont des pointures. Ah, les salauds ! Mais quand je découvre ledit « journal », je respire. Ce n'est qu'une litanie d'informations particulièrement inconsistantes - et je verse dans l'euphémisme. Du genre : «  Message sur le portable de Charles Dantzig l'enjoignant à nous confier ses impressions après l'annonce de la première sélection du Goncourt. Mais l'auteur de Dans un avion pour Caracas (Grasset) ne donnera jamais suite  » (sic). Bon, c'est pas avec ça qu'ils auront le Pulitzer, les copains de l'Express ... Du coup, j'ai toutes mes chances pour l'année prochaine - si je suis encore de ce monde. *** Internet se prête à tout, et notamment aux règlements de compte familiaux. Le coiffeur Jacques Dessange (85 ans) a ainsi mis en ligne un petit opuscule de 48 pages, intitulé sobrement Le Complot , dans lequel il accuse son fils «  le satanique Benjamin  » (sic) de l'avoir dépouillé de la société qu'il a fondée. Je n'ai pas fait le compte exact, mais à la louche, il y a environ un motif de diffamation par paragraphe... Il y a deux ou trois ans de cela, Jacques Dessange avait publié (chez Jean-Claude Gawsewitch) ses mémoires sous le titre de 70 000 femmes par jour . Il voulait bien sûr parler des clientes qui fréquentent quotidiennement les salons labellisés Dessange, mais enfin, ça c'était un titre d'avant le 14 mai 2011. Un éditeur ne pourrait plus se le permettre aujourd'hui : il n'y a pas qu'en politique, que l'affaire DSK a changé bien des choses. *** Ce mot, impayable, de Nicolas Sarkozy, entendu par des journalistes, alors qu'il inaugurait le « Pompidou Mobile » : «  Ça, c'est plusieurs millions  », se serait-il extasié devant un monochrome orange d'Yves Klein (comme il aurait pu dire : « ça, c'est plusieurs Roleix », chassez le naturel, il revient au galop...), avant de réciter tant bien que mal la fiche technique fournie par ses conseillers - qui sans doute n'y connaissent rien non plus, puisqu'il a prétendu que c'était là «  le premier monochrome  ». Sans remonter à Paul Bilhaud et son fameux Combat de nègres dans une cave, la nuit (1882), ni à Malévitch (le Carré blanc sur fond blanc ), rappelons qu'Alphonse Allais, en son temps, avait créé une série de six monochromes hautement inspirés : Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la mer Rouge (rouge) ; Stupeur de jeunes recrues de la Marine en apercevant pour la première fois la Méditerranée (bleu) ; Première communion de jeunes filles chlorotiques par temps de neige (blanc) ; etc. Le problème, c'est que si François Mimolette accède l'an prochain à l'Elysée, la culture ne sera guère mieux incarnée à la tête de l'Etat.   *** A l'inculture crasse de notre président, je préfère les tâtonnements sincères de notre Johnny Hallyday national, dont Libération nous offrait la semaine dernière un joli portrait (exercice pas évident, vu tout ce qui a déjà été écrit sur la bête) sous la plume de Marie-Dominique Lelièvre. Johnny y déclarait notamment : «Quand je regarde un film, je m'évade. J'oublie tout. Les livres, c'est autre chose. On ne vous impose pas le héros, comme au cinéma. Je lis peu. Des romans américains, la plupart du temps. Steinbeck, David Goodis. Je m'étais lancé dans Kafka. Au départ, je comprenais rien. J'ai persisté. La Métamorphose , ça va, mais le  Château , c'est très difficile. Je l'ai fini, pourtant, et même relu. Un livre formidable même si la première lecture est compliquée.» Et comme Marie-Dominique Lelièvre voulait savoir «  ce qui lui avait pris de lire Kafka  », il ajouta : «Cette littérature est tellement éloignée de moi. J'ai voulu connaître ça, c'est assez passionnant. J'aime bien m'intéresser aux choses loin de moi pour comprendre pourquoi elles le sont » Mine de rien, Johnny aura plus fait, pour la promotion de Kafka, que si on l'imposait au programme des écoles... Et lui, au moins, c'est un VRAI lecteur.

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