Un futur lunatique. Les premiers cas de cette étrange maladie nommée « anabasis » seraient apparus dans les années 1930. Cela commence par une grippe, puis les personnes atteintes sont prises de démence lors des nuits de pleine lune, allant jusqu'à commettre des massacres... Personne n'en guérit. Au Japon, où le roman se déroule entre le milieu du XXI^e siècle et le début du XXII^e siècle, les malades, appelés « moonlings », sont traqués pour être internés dans des sanatoriums. C'est le destin épique d'un de ces moonlings que dépeint ce roman en forme de fresque historique falsifiée. Tôga Uno, fils d'un guitariste de jazz fantasque et d'une mère aimante hélas morte précocement, a grandi dans un orphelinat avant de devenir artisan menuisier. Uno rêve de mener une vie des plus ordinaires, sortant dans le quartier interlope de Tokyo pour y rencontrer des femmes, sculptant des œuvres représentant des animaux en bois, qu'il signe du nom de Lune Rémanente. Alors que, en cette année 2063, le pays tombe sous la coupe d'un régime dictatorial, Uno tombe malade soudainement et se met à « grimper à la lune », devenant incontrôlable pour son entourage. Bien qu'il tente de se faire le plus discret possible, il va passer de l'ombre à la lumière des projecteurs bien malgré lui. Il s'initie au kendo et devient, forcé et contraint, l'un des meilleurs gladiateurs du pays, par amour pour une femme à qui l'on promet, s'il gagne ses combats, un traitement médical qui la délivrera de la maladie... Lune rémanente nous entraîne dans le sillon d'une destinée extraordinaire et émouvante, celle d'un homme aussi courageux que déterminé, bien plus lucide que ses contemporains déclarés sains sur le mal que les humains sont capables de faire. Uno a pris l'habitude de lutter contre ses désirs et, sa vie entière, il tentera de définir une ligne de conduite et des valeurs dans une véritable société du refoulement, où l'émotion et l'humeur des citoyens ne s'expriment finalement que dans la violence maladive. Les seuls ennemis qu'il trouve à combattre, les autres gladiateurs, sont des innocents contaminés eux aussi... Il se veut philosophe : « La vie d'un homme se termine nécessairement par une défaite. Si ce n'est contre un adversaire, ce sera contre lui-même. Dans tous les cas, il sera battu, quoiqu'il fasse. Par contre, les femmes doivent trouver le bonheur. À la toute fin, une femme doit avoir été heureuse. » Tout est possible dans ce roman, y compris chevaucher des baleines de sable sur des plaines lunaires : les voyages imaginaires d'Uno sont balisés d'images dignes des plus beaux films de Miyazaki. D'abord éclairée d'une lumière pâle et sélène, la vie à la fois illustre et triste d'un homme esseulé prend peu à peu, à travers son amour absolu pour une femme inaccessible, une tonalité solaire. Un roman − complété par deux novellas sur la même thématique − empreint d'une éblouissante liberté d'imagination, et heureusement parsemé de traits d'humour délectables.