Livres Hebdo : Vous avez pris les rênes de la maison en 2021. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Marion Glénat : La maison s'est beaucoup développée et est devenue plus généraliste dans ses catalogues. Glénat, c'est d'abord de la BD et du manga, ce qui fait notre identité, mais au cours de ces dix dernières années, on a diversifié notre activité. Avec Hugo Publishing et la new romance, par exemple, ou en développant notre catalogue jeunesse. En parallèle, le marché du livre se tend. On perd des lecteurs, les jeunes d'aujourd'hui ont beaucoup plus de possibilités pour consommer du divertissement et de la culture, principalement via les écrans. D'une manière ou d'une autre, il faut que nous, on puisse parler à cette nouvelle génération de lecteurs et que l'on comprenne quels usages ils ont de la lecture. Dans les cinq à vingt prochaines années, comment liront-ils des histoires ?
« Hugo représente un tiers du chiffre d'affaires de Glénat en 2024 »
Quelle place occupe Hugo Publishing et son rachat en 2022 dans votre vision ?
Quand nous nous sommes rencontrés avec Arthur de Saint Vincent, on s'est rendu compte qu'on avait tous les deux la même histoire de transmission familiale et que nos maisons se ressemblaient. Chez Glénat on a le manga et chez Hugo, la romance avec dans ces deux univers des communautés très fortes, très digitales, qui sont en fait pour certains des lecteurs qui consomment autrement. Et puis il y a Fyctia, la plateforme d'écriture d'Hugo. Cette plateforme est une sorte d'accès au marché et aux lecteurs. C'est un moyen de connaître les avis, de savoir ce que les lecteurs aiment. C'est essentiel car cela nous permet de connaître nos communautés et d'affiner notre proposition. Et ça marche ! La new romance a connu une très belle croissance ces dernières années et Hugo représente un tiers du chiffre d'affaires de Glénat en 2024.
Le segment le plus fort chez Glénat est le manga. Imaginez-vous des passerelles avec la new romance ?
On a essayé mais c'est moins évident que ça en a l'air. En revanche, on va adapter en livres audio des titres de chez Hugo et de chez Glénat. On a aussi créé un département webtoon qui sera nourri de créations et d'adaptations, notamment de new romance.
« Le webtoon est un nouveau genre, un nouvel usage »
Avez-vous une volonté de repositionnement de la maison sur des contenus numériques ?
Glénat, c'est un éditeur de livres papier. La bande dessinée en format numérique, homothétique, ça n'a jamais vraiment percé. En revanche, un des axes stratégiques que nous avons posé avec Benoit Pollet (directeur général du groupe Glénat) est celui de formats créés spécifiquement pour une lecture sur écran, comme le webtoon. Le but est aussi d'avoir un accès au marché, au lecteur et à ce qu'il consomme. C'est ce qui fait la force des plateformes de diffusion aujourd'hui. C'est pour cela qu'on a investi dans ONO, la plateforme de diffusion de webtoons et de mangas du groupe Média-Participations. On y diffusera les mangas et les webtoons qu'on est en train de créer.
Le webtoon est un marché tendu. Plusieurs acteurs français y ont déjà laissé des plumes. Cette association avec Média-Participations vous paraissait-elle nécessaire pour vous battre à armes égales avec des géants internationaux, comme Naver ?
Effectivement, l'ambition commune est de faire d'ONO la plateforme numéro un en Europe. Ce sont des investissements industriels importants qui demandent du budget et le modèle vers le tout-payant n'est pas encore tout à fait trouvé. Mais nous croyons en la puissance de nos catalogues notamment de mangas qui sont, avec celui de Kana, les plus forts qui puissent exister en France.
Glénat a été pionnier dans le manga. Aujourd'hui, ce secteur représente un quart du marché de la BD. Pensez-vous que le webtoon est le futur manga ?
On ne peut rien prédire mais j'y vois un lien. Jacques Glénat a été le premier dans les années 1990 à importer le manga en France. Le genre était vraiment décrié à l'époque, les libraires n'en voulaient pas et pourtant le manga a amené plein de jeunes à la lecture. La new romance, ça a été exactement la même chose. Et pour moi le webtoon est la suite de ça. C'est un nouveau genre, un nouvel usage, et on doit rester attentif aux modes de consommation des lecteurs. Au début, c'est comme tout, on tâtonne, on se pose des questions, ce sont des investissements sur le long terme. Notre métier, c'est d'inventer et d'innover !