Le mariage d’amour, c’est pour les pauvres. Un roi, ça ne choisit pas. Edward VIII a dû abdiquer pour épouser Wallis Simpson la roturière américaine divorcée. L’abdication ? Pas de ça chez les Bourbons ! Quand Louis veut s’unir à Marie par amour, hors de question ! Marie Mancini a beau être la nièce du cardinal Mazarin, ni l’avunculaire ministre et parrain du jeune roi, ni la régente Anne qu’il conseille ne pourraient accepter une telle mésalliance. Quand on est roi, on épouse une fille de roi. L’Italienne est exilée dans les marais salants en Saintonge, son beau prince ne la reverra plus jamais. Ciao ciao bella, et bonjour tristesse : Marie sera le plus gros chagrin de Louis.
C’est avec les amours de Louis XIV et de Marie Mancini que Jean-François Kervéan fait son retour en fiction. Mais Animarex est le contraire du roman historique, c’est l’anti-Allée du roi de Françoise Chandernagor qui retrace le parcours de Mme de Maintenon, ultime compagne du Roi-Soleil. Dans Animarex, Marie Mancini raconte le jeune homme qui fut par elle séduit et qui la quitta, et fait dérouler le récit de vie du souverain : de la mort de Louis XIII, son père, qui fera de "P’tit Louis" un roi à l’âge de 5 ans à l’oubli dont seuls les puissants sont capables. Mais "dérouler" n’est pas le mot, la parole de Marie s’affole, se dédouble avec la plume d’un nègre puisqu’elle avoue que "la narration [lui] échappe", c’est l’anarchie du désordre amoureux plutôt que la stricte chronologie servie par un style pastiché façon Grand Siècle. Kervéan fait de sa narratrice une amante dépitée hyper contemporaine, heurtant la syntaxe, introduisant de l’argot, mêlant scansion ("vénère", "je ne suis pas Mickey") et accents lyriques ("Enivrée d’hymnes, ta main gantée m’a jetée à terre. Que vais-je bien faire d’un tel boulet, toute une vie durant ?"). Du grand art, électrique et déjanté. S. J. R.
