ÉDITO par Christine Ferrand, rédactrice en chef

Photo OLIVIER DION

Les Anglais ont le sens de l'humour, c'est bien connu. En ouverture de la Foire de Londres, ils ont organisé, sur le mode d'un show télévisé, un "Grand débat" sur le thème : "Les éditeurs vont-ils mourir ?". La salle, composée de professionnels du livre, a été appelée à donner son avis en procédant à un vote. Rassurons-nous, 41 personnes seulement ont répondu par l'affirmative, contre 147 persuadées du contraire. Les Anglais apprécient l'humour noir, mais ils ne sont pas masochistes.

L'anecdote traduit bien le climat de cette 41e Foire du livre. Malgré une bonne fréquentation et une activité soutenue, les mines étaient sombres. En particulier chez les Britanniques et les Américains, sonnés par la violence de la nouvelle attaque du ministère de la Justice américain contre Apple et cinq groupes d'édition internationaux accusés d'entente illicite pour faire augmenter le prix des livres. Elle vise le "contrat d'agence", initié il y a un an par les éditeurs avec Apple, qui se réserve une commission de 30 % sur les ventes mais les laisse libres de fixer leurs prix. Ce système avait déjà commencé à porter ses fruits en contrant la surenchère à la baisse pratiquée par Amazon, et en limitant son monopole.

L'intransigeance de la justice américaine, qui considère le marché du numérique comme un marché en soi, sans lien avec le secteur du livre, risque de rebattre les cartes. Le malaise est d'autant plus grand qu'un peu partout la progression des ventes des livres numériques s'accompagne d'un effondrement du chiffre d'affaires global du secteur. C'est même avec un certain effarement que, d'un stand à l'autre, les éditeurs confrontaient les états piteux de leurs marchés respectifs.

Relativement protégée par la loi sur le prix unique qui vient d'être élargie au numérique, la France suscite un intérêt nouveau. Car partout, le monde du livre est à la recherche des nouvelles règles qui lui permettraient de jouer sans dommage toutes les partitions qu'offrent désormais les nouvelles technologies.

Dans le même temps, en costume sombre et cravate, sourire fendu jusqu'aux oreilles, des cohortes de Chinois - invités d'honneur de la manifestation cette année - affichaient leur force tranquille. Il faudra compter avec eux pour ce "New Deal" que chacun voit à sa porte.

10.12 2014

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