A la question posée par le titre de son essai, Zygmunt Bauman répond non, évidemment. Mais un sociologue de sa réputation, professeur émérite à l’université de Leeds, ne peut se contenter du laconisme en la matière. L’auteur de La vie liquide (Pluriel, 2013) et du Coût humain de la mondialisation (Pluriel, 2011) examine avec un certain dépit le bilan d’un monde confit dans le profit. Car la question est en effet moins économique que morale.
Les premières pages déversent quelques exemples terrifiants des inégalités qui grimpent. En 1960, un patron aux Etats-Unis gagnait 12 fois le salaire d’un ouvrier de son usine. En l’an 2000, c’était 531 fois !
Le pire, dans ce constat, c’est que nous nous sommes habitués à l’injustice avec l’idée que cette inégalité serait indispensable aux forces créatives et productives de la société. Les politiques y ont fortement contribué et les économistes commencent à tirer le signal d’alarme alors que le déraillement, éthique au départ, a déjà commencé.
Comment justifier le fait que les 67 personnes les plus riches de la planète possèdent la même somme que la moitié la plus pauvre, ou que 1 % de la population possède près de la moitié de la richesse mondiale, soit 110 000 milliards de dollars ? On ne le peut pas, et la seule issue pour ce spécialiste de la mondialisation est de renoncer à ce principe d’injustice qui fait croire que la fortune des riches ruisselle sur les pauvres.
Zygmunt Bauman est né en 1925 en Pologne. Il sait donc bien ce que le mot catastrophe renferme. A commencer par le fait qu’on ne la désigne souvent qu’a posteriori. Voici de quoi être prévenus.
L. L.