Quand les Américains se mettent à être farfelus, ils n’ont rien à envier à leurs cousins anglais, nonsense compris. Le regretté Jack Douglas (1908-1989) en est le parfait exemple, que le lecteur français a déjà pu découvrir avec Ne vous fiez jamais à un chauffeur de bus nu (Wombat, 2012). Il s’agissait de l’un de ses best-sellers, paru en 1960, juste après que notre homme, touche-à-tout génial, musicien, showman, acteur, auteur, homme de radio et de télé, eut décidé de quitter Hollywood et son univers impitoyable. Il est parti vivre à la campagne, au Canada, en Californie, ou dans le Connecticut, avec sa femme japonaise, Reiko, qui, lorsque son mari pousse le bouchon un peu trop loin, se met compulsivement à passer l’aspirateur ou à faire cuire du riz, et leurs deux fils, Bobby et Timothy.
Dès l’enfance, Douglas éprouva une passion pour les animaux, surtout les difficiles, ceux que l’homme, qui n’a guère à leur envier, appelle "prédateurs", et particulièrement les loups. Aussi, dès qu’il le put, cet écologiste avant l’heure éleva-t-il des loups "de compagnie", mais pas domestiqués, dont Wolf, à qui il donna une compagne, Lady, vite heureux parents de cinq louveteaux. Mais pas question de les garder toujours captifs. Bien que cela lui fende le cœur, et même à Reiko qui avait fini par s’y attacher, la tribu Douglas partira pour les forêts de l’Ontario acclimater ses loups à la vie sauvage avant de les relâcher en liberté.
Le tout, on s’en doute, au prix de péripéties contées avec un sens épatant de l’absurde, de l’autodérision, cet humour juif américain, beaucoup de tendresse, et des litres de tous les alcools possibles. A Honansville, Connecticut, les Douglas étaient les piliers d’une petite association écolo, des bobos désopilants, "un groupe de poivrots pétris de bonnes intentions" : réhabiliter les loups, par exemple. J.-C. P.