Carlos Ruiz Zafón s’est imposé avec L’ombre du vent sur la scène internationale. Ce roman a enflammé des millions de lecteurs. Son idée poétique? Imaginer le "Cimetière des Livres oubliés", un lieu impérissable dans lequel on aimerait se glisser imperturbablement. L’auteur poursuit l’exploration de cette Babel secrète à travers un cycle inégal. Cette fois, on se régale avec Le labyrinthe des esprits, qui peut parfaitement se lire indépendamment des autres tomes.
"Quiconque désirait conserver toute sa tête avait besoin d’un endroit où il pouvait, où il aimait se perdre. Une petite annexe de l’âme…" Pour Zafón, c’est la littérature. Aussi lui rend-il hommage à travers cette histoire où l’on croise des écrivains torturés, des libraires dévoués, des Muses inavouées et des lecteurs passionnés. "Les légendes sont des mensonges ébauchés pour expliquer des vérités universelles." La plupart des nations en sont friandes, comme en témoignent les faces sombres de l’histoire espagnole. "On cherche toujours dans le présent, ou le futur, des réponses qui se trouvent dans le passé." Celui d’un pays franquiste où tous les coups sont permis. Une terre qui a souffert dans sa chair, en alimentant les drames, les jeux de pouvoir et les luttes intestines.
Alicia Gris est une enfant de ces plaies masquées. Blessée par des bombardements, lors de la guerre, cette orpheline porte une cicatrice qui la tourmente sans cesse. Cela ne l’empêche pas d’être un agent secret d’une grande efficacité. "Elle pouvait être l’ombre et la lumière." La voilà chargée d’enquêter sur la disparition de Mauricio Valls, ancien directeur de prison et figure politique éminente des années Franco. "Un bon Espagnol n’a pas de secrets." Lui en regorge. Il incarne l’obsession du Mal qui hante le romancier. "Les pièges, on se les tend à soi-même", mais à quel point est-on maître de son destin?
Alicia, la malicieuse si courageuse, arrache peu à peu les masques d’une société gangrenée par les manipulations ou la cruauté. En souffrance perpétuelle, cette James Bond girl boiteuse nous révèle la complexité d’âmes sinueuses. Un libraire et sa famille sont aussi les héros de cette fresque fabuleuse. Sans oublier une flopée de personnages à la force mythique, qui composent une ode élogieuse à "la Barcelone éternelle".
Tous expérimentent une question brûlante: la vengeance peut-elle combler toutes les blessures? "Elle n’existe pas. La seule chose qui importe est la vérité. Elle est l’accord permettant aux innocents de ne pas avoir à cohabiter avec la réalité." Ce page-turner est susceptible de causer des insomnies. Il est plein de vie, de protagonistes percutants et de rebondissements. L’écriture fougueuse s’accompagne parfois de photos mystérieuses. "Le monde n’est que le miroir des hommes qui le composent ensemble. Si les livres parlaient, il n’y aurait pas autant de sourds." Kerenn Elkaïm