Je poursuis ici la relation de notre dialogue avec Richard Figuier. Cette fois, il est question d’hybridation entre la forme livre et la forme numérique. Hybridation voulant dire : apparition d’un nouvel être viable qui participe des deux. « Comment envisager cet hybride ? s’interroge Richard Figuier. · Je peux tirer d’Internet n’importe quel « livre », au sens du pur objet, c’est le « tirage », l’impression. · Je peux juxtaposer un contenu numérique et un livre, insérer un livre dans une pochette de CD-Rom. · Je peux renvoyer de l’un à l’autre, c’est la complémentarité, le numérique est alors comme la « démonstration » du livre. · Je peux passer de l’un à l’autre : c’est le modèle Darnton pour les sciences humaines, dans lequel l’essentiel de la thèse se présente sous forme livre et l’étayage scientifique (sources, notes, commentaires critiques) sous forme numérique. A la différence près que le numérique permet des choses que le livre n’autorise pas : la présentation de la pièce d’archives en mode image et en mode texte, une cartographie évolutive, etc. Mais suis-je vraiment dans l’hybride ? Ne reste-t-on pas dans la cohabitation entre ce que chaque forme peut donner ? Peut-on aller au-delà d’un usage différencié des formes selon leurs logiques propres ? Un hybride « objectal » (un objet qui participerait des deux) serait-il possible ? On pense évidemment à l’e-book, dont l’un des grands atouts est de pouvoir lire les liens hypertextes d’un ouvrage. Mais ce n’est pas un livre : l’e-book est plus proche de la tablette multi-inscriptible que du livre. » Alors, comment honorer éditorialement ce qu’écrit Blanchot à propos de Mallarmé : « Un coup de dés annonce un livre tout autre que le livre qui est encore le nôtre : il laisse pressentir que ce que nous appelons livre selon l’usage de la tradition occidentale, où le regard identifie le mouvement de la compréhension avec la répartition d’un va-et-vient linéaire, n’a de justification que dans la facilité de compréhension analytique. Au fond, il faut bien nous en rendre compte : nous avons les livres les plus pauvres qui se puissent concevoir, et nous continuons de lire, après quelques millénaires, comme si nous ne faisions toujours que commencer à apprendre à lire. » Richard Figuier propose une piste, et on arrêtera là : plutôt que de vouloir, aujourd’hui, créer de nouvelles maisons d’édition traditionnelles, il faudrait, selon lui, créer de vrais « laboratoires éditoriaux », qui testeraient des formes nouvelles (des objets non clos, notamment) et exploreraient toutes les possibilités offertes par le numérique. Si vous souhaitez prolonger la discussion avec lui, voici son mail : rfiguier@wanadoo.fr
15.10 2013

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