"Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. La librairie indépendante a encore de belles heures à vivre à partir du moment où elle réagit. Dans nos petites villes de province, nous sommes progressivement noyés par les grandes surfaces spécialisées, Cultura et Espaces culturels Leclerc. En ajouter une troisième n'apporterait rien à la clientèle. De plus, ce serait un coût supplémentaire pour les librairies, car toute franchise est payante. L'idée aurait pu être intéressante pendant les heures de gloire de la Fnac et avant que les GSS s'installent en périphérie. Ça aurait aidé à renforcer les librairies de centre-ville. Mais la Fnac a une décennie de retard et, surtout, elle n'est plus ce qu'elle était. En centre-ville, les librairies qui subsistent ont une identité forte, constituée au fil des décennies. Balayer cette notoriété pour une enseigne de qualité moyenne, je n'en vois pas l'intérêt."
Philippe Montbarbon, directeur de la librairie Montbarbon, Bourg-en-Bresse.
TENTANT
"Ce qui nous manque à tous, c'est de la trésorerie et des fonds propres. Il est donc tentant d'être associé à une enseigne qui a une telle puissance. J'ai fermé des magasins uniquement parce que je ne trouvais pas de financements. Les banques n'y croient plus depuis qu'elles ont entendu parler du numérique et d'Internet. Je suis, moi, résolument optimiste. Une franchise avec la Fnac pourrait nous permettre de passer un cap. Comme on ne peut pas obliger les gens à entrer dans nos magasins, il faut faire des économies : sur le transport, les frais de comptabilité, les remises... Pour moi, la franchise signifierait n'avoir qu'un seul fournisseur. Aujourd'hui, j'en ai 200, c'est très lourd en termes de comptabilité. On pourrait aussi gagner en rapidité d'approvisionnement : face à Amazon, je ne peux pas promettre une livraison en 48 heures."
Patrick Demey, P-DG des librairies Demey (Armentières, Dunkerque, Saint-Omer, Tourcoing).
COMPLIQUÉ
"Aujourd'hui, tout le monde est à la recherche de partenaires. S'il y a une recette miracle, pourquoi pas. Mais je suis très dubitatif. On connaît les difficultés de la Fnac, qui sont aussi celles de la librairie indépendante. L'idée n'est peut-être pas mauvaise, mais sa réalisation me semble difficile. Le principe d'une franchise est d'envoyer de la marchandise qui n'appartient pas à celui qui tient le magasin. On peut le faire en vendant du textile chinois, mais je ne vois pas comment ça peut fonctionner pour le livre. On sait que les commandes centralisées telles que les pratique la Fnac ne sont pas satisfaisantes. Les librairies reprises par Bertelsmann fonctionnaient très bien avant, car elles avaient leur autonomie. Quand ils ont voulu centraliser, c'est allé de mal en pis.
Bernard Courault, directeur de la librairie Point-Virgule, Aurillac.