Un « archi méga bon mois de décembre » : à Bergerac, Coline Hugel à la tête de La Colline aux livres ne cache pas sa satisfaction. Son chiffre d’affaires a augmenté de 23 % par rapport à décembre 2012. Au-delà de la notoriété acquise par sa librairie et de l’élargissement de son offre en jeux, elle reconnaît avoir bénéficié d’un transfert de clientèle lié aux difficultés de Chapitre. De même, à Lyon, où Virgin a mis la clé sous la porte en juin et où Chapitre est en pleine déliquescence, Passages a enregistré une croissance « historique » avec des demandes « plus grand public que d’habitude ». A Nancy, ville également marquée par la disparition de Virgin mais aussi de Stanislas et par les difficultés de Chapitre-Hall du livre, L’Autre Rive a aussi connu une très bonne fin d’année. Codirigeant de l’établissement depuis un an et demi, Frédéric Jaffrennou se demande même si l’affluence enregistrée n’est pas liée aussi à un certain militantisme de la part de consommateurs de plus en plus conscients, dans le contexte actuel, des problématiques des librairies indépendantes.
Déperdition.
Si, pour les magasins installés dans des villes touchées par la déconfiture de Virgin et de Chapitre, le bilan des fêtes est très satisfaisant, il est plus partagé pour les autres. Ce dont devraient témoigner les chiffres globaux du marché. Après la baisse de 3,5 % enregistrée en novembre, décembre ne devrait pas, en effet, faire apparaître de très bonnes performances. D’une part, la demande qui s’exprimait chez Virgin jusqu’en juin ne s’est que partiellement reportée sur d’autres établissements, faisant ressortir une déperdition à l’échelle globale. D’autre part, les librairies Chapitre, fortement pénalisées par leur manque d’approvisionnement, accusent pour beaucoup d’entre elles des chutes d’activité comprises entre 30 % et 40 %.Dans les grandes surfaces non spécialisées, l’activité a été médiocre. Chez Auchan, on évoque une fin d’année compliquée, notamment pour les beaux livres et la vie pratique. «Sur l’ensemble des mois de novembre et décembre, on est à peu près stable par rapport à l’an dernier, estime le chef de groupe livres et supports enregistrés, Vincent Sabin. Mais, en décembre, les ventes ont été tardives et concentrées sur les derniers jours avant Noël. »
Du côté des grandes surfaces spécialisées, la Fnac se retranche derrière ses nouvelles contraintes en matière de communication financière, liées à son introduction en Bourse en juin, et se refuse à tout commentaire avant la publication de ses chiffres prévue le 27 février. En revanche, chez son concurrent Cultura, Eric Lafraise, chef de produit livres, se félicite des ventes réalisées sur la fin de l’année, tant dans le secteur de la jeunesse que de la BD et de la littérature.
Parmi les librairies indépendantes qui ne sont pas situées dans les mêmes zones de chalandise que Chapitre et Virgin et n’ont donc pas profité d’un report de la demande, le bilan est là aussi contrasté. Il peut être très positif comme chez Atout-Livre à Paris (12e) qui a connu «son meilleur mois de décembre depuis sa création, avec une progression de 9 % », selon David Rey. Ce dernier salue le fait qu’« à côté du Goncourt Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre et des BD Astérix chez les Pictes et Blake et Mortimer, L’onde Septimus, les coups de cœur des libraires se sont aussi très bien vendus ». Et de citer : Tyler Cross en BD, Conjurer la peur de Patrick Boucheron en sciences humaines, ou encore, en littérature, La lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson et Le silence de Perlmann de Pascal Mercier. De même, à Neuville-sur-Saône, Florence Veyrié se déclare très satisfaite par l’activité de décembre, en hausse de 15 %. « On a essayé plein de choses et cela a été payant. On a commandé plus tôt que d’habitude sans hésiter à augmenter nos stocks. Résultat, les ventes ont débuté dès la fin de novembre et les journées habituellement faibles ont été fortes, tandis que celles qui l’étaient déjà le sont restées. »
Cependant, au Havre, Serge Wanstok se contente pour La Galerne d’une activité simplement étale en novembre et en décembre, tandis qu’à Quimper Jean-Michel Blanc accuse sur cette même période un recul de 5 % de son chiffre d’affaires dû à une baisse de fréquentation induite d’abord par les manifestations des « bonnets rouges » qui ont marqué dans cette région, puis par les intempéries. A Lorgues, dans le Var, Michel Paolasso se montre aussi un peu déçu par les performances enregistrées par la Librairie lorguaise et a le sentiment que le livre a moins joué son rôle de cadeau de dernière minute que les autres années. C. N.