Les planches originales de bandes dessinées suscitent désormais de véritables batailles en salles des ventes. Ce marché — qui voit les œuvres dues à de grands noms s’arracher entre 50 000 et 100 000 euros (Hergé étant hors-concours) — entraîne également l’application d’un droit de suite au profit des auteurs ou de leurs ayants droits. Rappelons que le droit de suite ne doit pas être confondu avec la clause de préférence existant dans certains contrats d’édition. Ce droit permet aux auteurs ou à leurs ayants droits de percevoir un pourcentage du prix de vente de leurs œuvres aux enchères. Il existe dans la législation française depuis 1920. Le texte a cependant été modifié en 2006 afin de le rendre pleinement conforme aux exigences d’une directive européenne ; celle-ci a étendu le droit de suite à l’ensemble de l’Union, rendant ainsi la Grande-Bretagne assujettie depuis le début 2012. L’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle prévoit donc que « Les auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen bénéficient d’un droit de suite, qui est un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une œuvre après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit ». Et l’article L. 123-7 précise en outre qu’« après le décès de l’auteur, le droit de suite mentionné à l’article L. 122-8 subsiste au profit de ses héritiers (…), à l’exclusion de tous légataires et ayants cause, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années suivantes ». Or, la législation française exclut toute autre personne que les héritiers légaux de la liste des bénéficiaires du droit de suite. La question de la compatibilité de cette disposition avec le droit de l’Union européenne a donc été posée, en avril 2010, via une question préjudicielle émanant du Tribunal de grande instance de Paris à l’adresse de la Cour de justice des Communautés européennes. L’affaire soulevait un problème de taille, puisqu’elle concernait la fondation Gala-Salvador Dalí…. Qui n’est pas un héritier légal au sens du droit français. Il en ressort que la directive ne définit pas les « ayants droits » de l’artiste après sa mort. Elle laisse par conséquent cette définition au droit national et, implicitement, de manière plus particulière, au droit interne des successions. Selon les juges, il n’y a pas lieu de supprimer les différences entre les législations nationales qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte au fonctionnement du marché intérieur. Il n’existe donc aucune catégorie uniforme d’« ayants droits », et les États membres peuvent en adopter ou en maintenir toute définition qui n’est pas susceptible d’avoir un tel effet. Cette position exclut non seulement les fondations, mais également les personnes qui, toujours en droit français, ne sont pas liées par le sang à l’auteur : le survivant pacsé est ainsi exclu de tout droit de suite… C’est pourquoi une question prioritaire de constitutionnalité relative à cette discrimination vient d‘être soumise aux juges parisiens. Enfin, une décision de 2012 a tranché une autre difficulté relative à la vente par l’artiste lui-même, ou par ses ayants droits, d’une de ses œuvres aux enchères — un cas de figure de plus en plus fréquent, notamment dans le domaine de la bande dessinée. Il en résulte que, dans ce cas, le droit de suite ne peut être cumulé avec le fruit de la vente elle-même.  
15.10 2013

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