Les épreuves corrigées des “Fleurs du mal” en librairie
Les éditions des Saints Pères publient cette semaine les épreuves corrigées du recueil de Charles Baudelaire, seule trace manuscrite du chef d'œuvre de l'auteur.
Par
Vincy Thomas
avec afpCréé le
15.06.2015
à 19h35
Document exceptionnel sur les coulisses de l'écriture poétique et la recherche de la perfection esthétique, les "épreuves corrigées" de la main de Baudelaire des Fleurs du mal sont publiées pour la première fois par les éditions des Saints Pères.
Le manuscrit original des Fleurs du mal n'a jamais été retrouvé et les épreuves corrigées sont les seules traces manuscrites de ce chef d'œuvre.
Avant d’accorder son "bon à tirer" définitif pour l'impression du recueil en 1857, Charles Baudelaire a multiplié les échanges avec son éditeur et ami Auguste Poulet-Malassis, annotant et corrigeant dans la marge les épreuves de l'imprimeur.
Pratiquement aucun de ses poèmes n'échappe à l'œil critique de Baudelaire qui biffe et rectifie à la plume tout ce qui lui semble incorrect. Le poète corrige une virgule mal placée ici, demande la modification de la police de caractère là, exige la modification de l'orthographe d'un mot ici encore. Ce perfectionniste semble n'avoir de cesse de retravailler son texte. Certains poèmes sont corrigés à plusieurs reprises.
Les mille remarques de Baudelaire avant d'accorder son "bon à tirer" à l'imprimerie agacent parfois son éditeur. Sur la page de garde, il se plaint: "Mon cher Baudelaire, voilà 2 mois que nous sommes sur les Fleurs du mal pour en avoir imprimé cinq feuilles."
Au final, cela donne un document que les éditions des Saints Pères ont publié le 15 juin. L'édition initiale, numérotée, ne comptera que 1000 exemplaires.
Ces épreuves corrigées ont été préemptées par la Bibliothèque nationale de France (BNF) en juin 1998 lors d'une vente aux enchères chez Drouot pour 3,2 millions de francs(188 000 euros environ), une somme colossale pour ce type de document.
Pour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Ce livre rare était consultable sur le catalogue numérique de la BNF, Gallica. L'ouvrage est illustré par 13 dessins au crayon et à la plume qu'Auguste Rodin avait insérés en 1887 dans son propre exemplaire des Fleurs du mal.
On découvre un Baudelaire tatillon, défenseur de la virgule, de l’accent aigu plutôt que de l’accent grave, de l'usage ou non de l'accent circonflexe. Dans la marge de "Bénédiction", un des premiers poèmes du recueil, Baudelaire s'interroge ainsi sur le mot "blasphême" tel qu'il est imprimé sur l'épreuve à corriger. "Blasphême ou blasphème? gare aux orthographes modernes!" met-il en garde.
Des strophes sont modifiées comme dans "Un voyage à Cythère". La robe de la muse ne s'ouvre plus "à des brises légères”, mais "aux brises passagères”.
Le livre est finalement publié le 25 juin 1857 chez Poulet-Malassis et de Broise. C’est une consécration pour le poète. Composées essentiellement entre 1841 et 1857, Les Fleurs du mal avaient été annoncées plusieurs années avant leur parution d’abord sous le titre Les Lesbiennes, puis Les Limbes.
Quelques jours après la sortie du livre, Baudelaire s’attire les foudres de la presse. La direction de la Sûreté publique saisit aussitôt le parquet pour offense à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs.
L'auteur sait cependant que son écriture survivra. En juillet 1857, il écrit à sa mère: "On me refuse tout, l’esprit d’invention et même la connaissance de la langue française. Je me moque de tous ces imbéciles, et je sais que ce volume, avec ses qualités et ses défauts, fera son chemin dans la mémoire du public lettré, à côté des meilleures poésies de Victor Hugo, de Théophile Gautier et même de Byron."
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Par
Élodie Carreira
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