Livres Hebdo : Quel visage de l'IA voulez-vous montrer ?
Cédric O : Avec Monique Canto-Sperber, philosophe et présidente émérite du comité éditorial, et Jérôme Chartier, fondateur des Entretiens en 2003, ce qu'on a essayé de faire, sur un sujet qui peut paraître ésotérique - parce qu'il suscite énormément de projections individuelles et collectives, ainsi qu'un certain nombre de fantasmes liés à l'usage du terme « intelligence » -, c'est de revenir à des concepts simples. Qu'est-ce que l'intelligence artificielle ? À quoi sert-elle ? Quels problèmes peut-elle poser ? Et d'étudier un peu plus précisément la dialectique entre la société et une technologie qui a des conséquences sur l'organisation sociale, la hiérarchie économique, la répartition de la richesse et la géopolitique internationale. Notre idée est d'aborder ces questions de façon la plus factuelle possible.
« Nous avons essayé de revenir à des concepts simples. Qu'est-ce que l'IA ? À quoi sert-elle ? Quels problèmes peut-elle poser ? »
Vous jetez de nombreux ponts entre les secteurs ?
Une approche multidisciplinaire nous semblait indispensable. Cette technologie va permettre des gains de productivité absolument énormes et transformer profondément certains mécanismes de fonctionnement de notre société. Pour faire un parallèle, sans la première révolution industrielle, qui est l'automatisation des processus manuels, sans ses moyens de productivité technologiques et organisationnels, jamais il n'y aurait eu de syndicats, ni la démocratie sociale et une partie du monde tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Quel objectif vous êtes-vous fixé au terme de cette édition ?
L'IA générative est pour moi l'automatisation des processus intellectuels. Aller chercher de l'information dans une base de données non structurée, produire du code, du texte, c'est une forme d'automatisation de ces processus. Il n'y a donc aucune raison que l'impact sociétal soit moindre que ce qu'on a vécu lors de la première révolution. Autrement dit : cela change tout. C'est pourquoi il est impératif que le débat ne reste pas entre informaticiens et connaisseurs, mais que des artistes, des décideurs, des régulateurs, des chefs d'entreprise et des chercheurs puissent en parler. Des gens qui sont pour, et des gens qui sont contre. Notre objectif c'est que, à la fin, les gens se soient fait une opinion. J'espère que tout le monde aura mieux compris ce qu'est l'IA, ses applications concrètes, et mieux compris ce qu'ils veulent en penser.