Livres Hebdo: Pourquoi les bibliothécaires devraient-ils œuvrer avec Wikipédia ?
Léa Lacroix: Tout simplement parce que bibliothécaires et wikipédiens ont une mission commune, celle de diffuser la connaissance au plus grand nombre. Les bibliothécaires mettent à disposition des ressources dans leurs établissements; les wikipédiens, qui sont tous bénévoles, mettent à disposition des ressources sur Internet, le combat est similaire. Et ils ont également des points communs! Le même intérêt pour le classement, dans le but de trouver l’information au plus vite. Les deux se ressemblent dans leur ambition. Ils devraient bosser de concert autour du partage du livre et du savoir, créer ensemble du contenu, et continuer à libérer l’information pour qu’elle soit abordée par le plus de gens possibles.
De quelle façon cette "collaboration" pourrait-elle se mettre en place ?
Déjà, l’une des missions des bibliothèques universitaires devrait être de casser les clichés autour de Wikipédia, diabolisé par les enseignants, en organisant des débats pour expliquer la façon dont la plateforme fonctionne. Ensuite, les bibliothécaires peuvent accueillir les wikipédiens de façon proactive, en leur proposant des espaces où travailler et en les aidant à avoir accès aux documents pour élaborer leurs fiches. La bibliothèque des Champs libres à Rennes dispose d’une petite zone réservée aux wikipédiens, à laquelle ils peuvent accéder sur demande pour travailler. Les bibliothécaires leur mettent à disposition leurs fonds, jusque dans les documents en réserve ou anciens. Les bibliothèques pourraient également coordonner des ateliers de création de contenu, en proposant elles-mêmes des sujets à intégrer à l’encyclopédie en ligne ou à enrichir, grâce à leurs ressources.
Qu’en est-il de la méfiance qui entoure toujours Wikipédia, qui peut même être perçue comme une menace ?
Ni Wikipédia, ni aucun projet de la Wikimedia Foundation ne représente une menace pour le travail des bibliothécaires. Je pense que la méfiance part simplement d’une méconnaissance. Et c’est d’ailleurs l’ensemble de la chaîne du livre qui reste perplexe devant le principe d’ouverture de ces plateformes, où tout le monde peut écrire ce qu’il veut, sans validation externe par des experts ou un comité de relecture. Sauf qu’aucun système de validation n’est parfait. Et sur Wikipédia les informations nécessaires pour établir les fiches doivent être sourcées et le contenu est modéré et corrigé par les contributeurs.
Pour ce qui est de Wikisource, la bibliothèque en ligne ne donne accès qu’à des documents tombés dans le domaine public, à partir de scans de livres convertis en texte brut au format numérique, donc elle ne représente pas une concurrence pour les bibliothèques. Et même au contraire, quand on pense aux bacheliers du lycée d’à côté qui se réveillent à une semaine de l’examen et se ruent en bibliothèque car ils ont besoin d’un Zola… L’avantage de disposer de ces classiques en version numérique, c’est qu’il n’y a plus de notion d’exemplaires et qu’ils sont accessibles à chacun.