Il est évident qu’après un succès, aussi inattendu que planétaire, tel que celui de L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, son premier roman paru au Dilettante en septembre 2013, tout le monde attendait impatiemment le nouveau Romain Puértolas. Ses nombreux lecteurs, pour retrouver cet univers farfelu, ce style joliment distancié, cette profonde empathie humaine, surtout, et cet éloge de la diversité qui sont les marques de fabrique du jeune écrivain. Et les critiques, un peu en embuscade, guettant le deuxième roman, cap réputé redoutable. Mettons donc fin à un suspense intenable : La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel n’a rien à envier à son prédécesseur. Les lecteurs qui ont aimé le fakir devraient adopter Zahera, la jeune Marocaine en train de mourir de la mucoviscidose, tandis que Providence Dupois, une factrice aussi généreuse que déterminée, sa "maman téléguidée", essaie à tout prix de rejoindre Marrakech pour sauver sa fille adoptive, rencontrée dans ce même hôpital où elle a déjà passé l’essentiel de sa vie. Providence, elle, était là, à l’époque, pour une appendicite. Ce fut le coup de foudre réciproque. Mais cette histoire se déroule juste au moment où le Theistareykjabunga, virulent volcan islandais, crache son nuage pulvérulent sur l’Europe, empêchant toute liaison aérienne, ferroviaire, maritime. Et, en voiture, Providence risque d’arriver trop tard.
Que faire ? Se fier au hasard et recourir à des moyens magiques, grâce à l’aide de quelques amis de rencontre : Léo Machin, le bel aiguilleur du ciel antillais, qui va tomber amoureux de Providence et se faire le narrateur de son épopée, encore un "extraordinaire voyage", un jour, pour son vieux coiffeur de quartier, concerné malgré lui par cette histoire ; Maître Hué, un fakir "chinois" de Barbès, alias M. M’Bali, pur Sénégalais, qui envoie Providence dans un temple tibétain de Versailles, celui de l’Humble Caste des Mantes Tricoteuses, où elle apprend à se faire légère, insoutenablement légère, et à voler…
On n’en racontera pas plus, laissant au lecteur le plaisir de découvrir comment Romain Puértolas s’est sorti de cet imbroglio romanesque où il s’est placé en compagnie de tous ses personnages, si attachants. Pour apprécier ce conte pour adultes, plus grave qu’il n’y paraît, il suffit d’avoir conservé son âme d’enfant. C’est ce que souhaitait déjà Antoine de Saint-Exupéry de la part des lecteurs de son Petit prince. J.-C. P.