L'auteur-influenceur
Quand ils n'écrivent pas leurs propres livres, les écrivains parlent souvent de ceux des autres, et avec talent. Le romancier Nicolas Mathieu, très actif sur les réseaux sociaux, s'en est fait une spécialité, chroniquant sur Instagram ses plaisirs littéraires, entre photos intimes, citations de sa mère et remarques bien senties sur l'époque. De Jean-Patrick Manchette à Louis Guilloux, le Goncourt 2018 mixe les genres et les époques, troussant une critique d'une phrase ou y consacrant un feuillet. Dès juillet, il disait tout le bien qu'il pensait de Feu, de Maria Pourchet (Fayard), à ses 30 000 abonnés, participant indéniablement au bouche-à-oreille autour de ce roman, sélectionné par plusieurs jurys de grands prix. Dans la même famille : Olivier Adam, Tatiana de Rosnay, Clément Bénech...
Le premier prescripteur de France
Ses bios dans les médias le présentent régulièrement comme un critique littéraire, pourtant, François Busnel l'assume, il n'aime pas la critique , ne sait pas ce qu'est un bon livre . Longtemps directeur de la rédaction du magazine Lire, le journaliste est encore aujourd'hui le seul à défendre la littérature chaque semaine à la télévision, en première partie de soirée, dans La Grande librairie . Dans l'émission qu'il produit et anime, Busnel fait dialoguer les écrivains et les œuvres avec bienveillance. Est-ce de la critique ou de la recommandation ? LGL est en tout cas l'émission la plus prescriptrice du Paf, de très loin. Dans la même famille : Bernard Pivot, période Apostrophes.
Le critique qui fait de la résistance
Journaliste culturel depuis 40 ans, passé par Les Nouvelles littéraires, L'Événement du jeudi et L'Express, Jérôme Garcin fait partie des piliers de la critique littéraire française, de ceux qui savent parler d'un livre en ayant en tête l'œuvre qui la précède. Rédacteur en chef des pages culture de L'Obs, mais aussi producteur et animateur de l'émission emblématique de France Inter Le masque et la plume, il a réussi à élargir considérablement l'audience (800 000 auditeurs en direct, le dimanche soir, et autant d'écoutes en podcast) et à la rajeunir. Les joutes verbales entre chroniqueurs ne sont pas pour rien dans ce succès, tout comme les descentes en flammes de certains ouvrages, rares dans le paysage, piquantes mais toujours argumentées. Dans la même famille : les différents critiques réguliers de l'émission, qui exercent dans le milieu littéraire depuis de nombreuses années : Olivia de Lamberterie (Elle), Jean-Claude Raspiengeas (La Croix), Nelly Kaprièlian (Les Inrockuptibles), Frédéric Beigbeder (Le Figaro), Arnaud Viviant...
Le libraire pointu
"Librairie farouchement indépendante", écrit Andréas Lemaire pour présenter sur ses réseaux sociaux Myriagone, qu'il a ouverte en 2016 à Angers. Défenseur d'une littérature exigeante, qu'il trouve principalement chez les petites maisons (Magnani, éditions Do, La Peuplade, Les fourmis rouges), il chronique sur le blog de sa librairie aussi bien des romans que des essais, beaux livres, bandes dessinées et titres jeunesse, sans établir de hiérarchie. Ses analyses d'une cinquantaine de lignes, vitrine de l'identité du lieu, font vivre plus longtemps les livres et enrichissent le libraire dans son métier : Peu de confrères font cet effort, mais cela permet de continuer à penser comment et pourquoi on lit. Dans la même famille : Stanislas Rigot (Librairie Lamartine, Paris), Lucie Eple (Librairie Le pied à terre, Paris), Hugues Robert (Librairie Charybde, Paris)...
La bookstagrameuse reconnue
Dans l'univers ô combien esthétique de #bookstagram, quelques figures émergent grâce à leur plume. C'est le cas d'Agathe Ruga alias Agathe The Book, dentiste de formation qui s'est lancée sur Instagram en 2015, pour partager sa passion pour la littérature. Lentement mais sûrement, l'influenceuse a pris confiance en son écriture et glané de nouveaux abonnés (17 000), créé le Grand prix des blogueurs littéraires en 2017, attiré l'attention des éditeurs et publié son premier roman, Sous le soleil de mes cheveux blonds, chez Stock, en 2019. Ses dernières chroniques, à propos des autrices Ananda Devi, Lilia Hassaine ou Valérie Tong Cuong, confirment un goût pour les voix féminines, et le souci de coller au calendrier littéraire. Dans la même famille : MademoiselleLit, Littleprettybooks, Serial Lecteur Nyctalope...
La critique érudite
Tout à la fois professeure de littérature comparée à l'université, romancière, traductrice, biographe de Roland Barthes et membre du comité de lecture du Seuil, Tiphaine Samoyault cumule les fonctions. Elle appartient aussi au cercle restreint des universitaires qui publient des critiques de plus de 10 000 signes dans des revues littéraires de haute volée, puisqu'elle a cofondé en 2016 le journal en ligne En attendant Nadeau, peu après avoir quitté La Nouvelle quinzaine littéraire avec nombre de collaborateurs. Christine Angot, Deborah Levy ou Maggie Nelson sont passées récemment sous sa plume, comme le moins contemporain Alain-Fournier. Dans la même famille : Christine Marcandier (Diacritik), Alexandre Gefen (Revue Esprit, AOC) Philippe Savary (Le Matricule des Anges)...
La lectrice compulsive
1 296 critiques en huit ans, qui dit mieux ? Inscrite depuis 2013 sur Babelio, Soazic Boucard se décrit elle-même comme une lectrice pathologique , qui lit partout, tout le temps, en moyenne 15 à 18 livres par mois, crayon en main. Sans agenda précis, cette libraire à la retraite confesse un goût pour les ouvrages qui n'ont pas la faveur des médias , trouvés lors de flâneries en bibliothèques ou recommandés par des camarades libraires , mais préfère s'abstenir d'écrire en cas de réticences trop importantes. Sur Babelio, elle retrouve, grâce aux échanges nourris entre membres, un peu de sa mission de passeuse, et le plaisir de faire découvrir des écrivains méconnus, ou passés de mode. Dans la même famille : Chantal Yvenou, 326 avis sur Lecteurs.com, Lou12, 411 livres dans sa bibliothèque Gleeph...
L'écrivain blogueur
La qualité n'est pas réservée aux pages livres des titres de presse écrite, Claro en fait la démonstration à chaque post sur son blog, Le Clavier cannibale, qu'il anime depuis 2007. L'auteur, traducteur, éditeur, qui a un temps été chroniqueur au Monde des livres, y publie à un rythme inégal mais avec une liberté totale des critiques fouillées, et avec une grande attention portée à la langue. La poésie a souvent sa préférence, mais il lui arrive de participer au dernier débat littéraire en date, comme lors de son post Suis-je le gardien de ma traduction ? , dans lequel il réagissait à la polémique entourant la traduction de The Hill We Climb, d'Amanda Gorman. Dans la même famille : Pierre Assouline, avec son blog La République des livres.