Merci pour ce moment", s’écrient en chœur les libraires reconnaissants : à lui seul, cet ouvrage a dopé leur rentrée. Selon nos indicateurs Livres Hebdo/I+C, le marché du livre a progressé de 3,5 % en septembre par rapport à septembre 2013 et, pour la première fois depuis longtemps, ce rebond est plus important dans les librairies de second niveau (+ 5 %), où l’effet Trierweiler aura été le plus sensible, ainsi que dans les grandes surfaces culturelles (+ 4 %) et les hypermarchés (+3 %), que dans les librairies de premier niveau (+ 2 %).
Le Goncourt fera-t-il mieux que Valérie Trierweiler ? A quelques jours de la remise du plus prestigieux des prix littéraires français, le 5 novembre, on attend du Goncourt qu’il transforme l’essai en permettant au secteur du livre de renouer avec la croissance, après quatre années de baisse ininterrompue. On y est presque : à la fin de septembre, la tendance annuelle ne marquait plus qu’un recul de 0,6 %.
"Le Goncourt, c’est l’élection de Miss France. Sans avenir", nous disait Patrick Modiano en 2003. Sans avenir pour l’auteur, peut-être, car, couronnant un livre isolé, il a peu d’influence sur sa carrière. En revanche, il ne viendrait à l’esprit de personne aujourd’hui de mettre en doute l’avenir du prix. Depuis qu’il a fêté ses 100 ans, l’année dernière, il se porte comme un charme. Pendant toute la deuxième partie de l’année, ses jurés sont à la fête, choyés par les éditeurs, pressés de questions par les journalistes.
C’est que, la crise aidant, sa collaboration active au chiffre d’affaires est devenue une nécessité.
Qui sera l’heureux vainqueur 2014 ? David Foenkinos ou Kamel Daoud ? Ces deux noms, qui figurent parmi les quatre écrivains retenus dans la dernière sélection du prix, sont aussi, dans l’ordre, ceux que donnent les vingt critiques littéraires que nous avons interrogés. Se glissant dans la peau des jurés, ils ont dû répondre à deux questions : "Qui aura le Goncourt ?" et "Qui le mérite ?". Rares sont ceux qui citent le même nom aux deux questions. Certains répondent à la première par l’enseigne d’un éditeur… avec un cynisme tranquille qui ne soulève plus qu’une légère ironie. Le Goncourt, machine à cash, comme l’élection de Miss France ? Plus personne n’y trouve à redire.