Marie est une enfant timide avec une drôle de frimousse. L’héroïne du beau roman d’Alice McDermott grandit à Brooklyn, dans le quartier irlandais. Nous sommes dans les années 1930. Sa mère adore les histoires d’amour, surtout si elles sont américaines. Son père, séduisant, âgé de 40 ans, porte un chapeau et sent toujours "l’encre fraîche, la cigarette et l’alcool de son eau de Cologne évanescente".
Il lui arrive d’aller boire au bar en demandant à Marie de l’attendre. Son frère, lui, fait sa prière avant de se coucher et ne va pas tarder à entrer au séminaire. Pegeen Chehab, la fille des voisins, est du genre à trébucher et quittera hélas cette terre bien trop tôt. N’oublions pas de mentionner Gerty Hanson, la meilleure amie de Marie. La gamine la plus intelligente de sa classe, avec ses dents écartées et ses taches de rousseur, dont la maman n’arrête pas d’avoir des bébés. Jusqu’à en perdre la vie.
Marie dit qu’elle est une petite effrontée, une petite païenne. Derrière ses lunettes, elle ne perd pas une miette de ce qui se passe autour d’elle. Et écoute les rumeurs qui évoquent la terrible nuit de noce de Dora Ryan. Plus tard, c’est Walter Hartnett qui lui parlera de mariage. Drôle de type que ce Walter, avec des yeux gris, une jambe trop courte, qui lui propose une bière et commence à la tripoter. Plus tard encore, le lecteur accompagne Marie quand elle se présente pour un poste "d’ange consolateur" dans une entreprise de pompes funèbres…
On aime à retrouver ici la finesse d’évocation, la subtilité d’Alice McDermott. L’auteure de Charming Billy (Quai Voltaire, 1999) et de L’arbre à sucettes (Quai Voltaire, 2003, repris chez Folio). Finaliste du National Book Award 2014, Someone est l’une de ses plus grandes réussites. Alexandre Fillon