On connaît et apprécie Florence Ehnuel, romancière, auteure des belles Saisons russes (Stock, 2009), et essayiste (Le beau sexe des hommes, Points, 2009), mais c'est la prof de philo en lycée que l'on découvre ici dans son propre rôle, dans un bref essai d'intervention ouvert et stimulant consacré à ce qu'elle considère comme la "tare endémique de toutes les classes" : le bavardage. C'est en effet sous sa casquette d'enseignante qu'elle propose des pistes de réflexion tirées d'une quinzaine d'années de fréquentation de lycéens de terminale. "Le bavardage tue la classe, pollue les cours, épuise les profs, disperse les élèves", analyse-t-elle, dénonçant cette incivilité qui menace tous les apprentissages. Avec pour double objectif de décrire la situation et de lancer le débat, elle aborde un sujet qui apparaît bien plus large qu'un problème de salle de classe. Lasse de mener (et de perdre le plus souvent) un "combat pour la parole », pénible et sans trêve, entre fatigue et révolte, Florence Ehnuel explique sa répugnance à faire le gendarme et sa prise de conscience de la nécessité de sévir. A partir de son expérience de "prof bavardée", elle décrypte avec humour son propre comportement, reconstitue des scènes édifiantes de cours, recueille les points de vue de ses élèves, les témoignages de ses collègues et, surtout, propose quelques remèdes mis en oeuvre avec plus ou moins de succès tel ce "colèromètre », schéma au tableau qui indiquait "le degré de perturbation" estimé par le prof et son évolution au fil de l'heure de cours. Un instrument très vite devenu inopérant... Après diverses tentatives d'autodiscipline négociées, à peine plus payantes, Florence Ehnuel raconte comment elle a dû se résoudre à des mesures plus coercitives comme le plan de classe imposé, qui reste selon elle "une technique assez économe en énergie et plutôt profitable, sinon miraculeuse". Voire, la mort dans l'âme, en venir à adopter un certain nombre de sanctions - demander au bavard de rédiger le sujet qu'il n'était pas en train d'écouter, noter son devoir, le compter dans la moyenne... -, parce que "la sanction seule", conclut-elle, à condition qu'elle soit "réfléchie" et "jamais humiliante", "fait exister le bavardage comme acte".
A l'écoute
Florence Ehnuel, écrivaine et professeure de philosophie en lycée, signe un manifeste contre le bavardage.