Travailleurs à domicile

Le statut corrigé des correcteurs

Manifestation des correcteurs précaires pour leur statut le 9 janvier 2018, en face du SNE sur le boulevard Saint-Germain. - Photo OLIVIER DION

Le statut corrigé des correcteurs

Les entreprises d'édition et les travailleurs à domicile ont trois ans pour tester un nouveau cadre réglementaire qui clarifie leurs relations. _ par Hervé Hugueny

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Par Hervé Hugueny
Créé le 24.01.2019 à 21h32

Démarrée au printemps 2016 par une pétition qui dénonçait la précarité de leurs conditions de travail, ponctuée de manifestations ciblées autour d'événements littéraires ou professionnels, la campagne des travailleurs à domicile (TAD) pour obtenir une amélioration de leur situation a débouché sur un résultat concret. Fin décembre, le Syndicat national de l'édition (SNE) et une partie des syndicats de salariés ont approuvé une nouvelle version de l'annexe IV de la convention collective du secteur. En vigueur depuis le 1er janvier, ce texte de 13 articles, rédigé clairement, redéfinit le cadre réglementaire de l'activité de ces TAD, en majorité des correcteurs, salariés mais payés à la tâche, donc sans visibilité sur leurs revenus.

Entamées à l'automne 2017, les négociations ont duré un an pour aboutir à de réelles nouveautés, les plus importantes étant le lissage de la rémunération et la clause d'évaluation de l'activité, réalisée et à prévoir. « C'est une avancée importante pour la profession et une sécurisation de l'ensemble des acteurs, aussi bien les TAD que les entreprises, qui favorisera un mode collaboratif associé à plus de transparence », se félicite Sébastien Abgrall, directeur des ressources humaines de Madrigall et vice-président de la commission sociale du SNE, mandaté pour conduire la négociation avec Axelle Chambost (SNE), Stéphane Egloff et Fatima Mezrag, ses homologues des groupes Editis et La Martinière. Le SNE organise une première demi-journée d'information pour ses adhérents et en prévoit une seconde, le 29 janvier.

Encadrer les variations

« C'est un accord signé pour trois ans : cette durée limitée nous obligera à évaluer les effets de ce que nous avons négocié, avant de se prononcer sur son renouvellement », explique Martine Prosper, secrétaire générale de la branche livre-édition de la CFDT. Nettement plus réservé, Guillaume Goutte, secrétaire délégué de la section des correcteurs du Syndicat général du livre et de la communication écrite (SGLCE-CGT), a aussi activement participé aux discussions mais n'a pas signé l'accord. Il n'y voit qu'une « déprécarisation à la marge des TAD, et surtout une sécurisation des employeurs par rapport à la fluctuation de l'activité ».

Consacré au contrat de travail, l'article 4 constitue le cœur de l'accord. Il encadre les variations qui caractérisent l'activité des TAD, tout en leur reconnaissant la possibilité d'avoir plusieurs employeurs, contrepartie de la souplesse dont bénéficient les éditeurs dans la répartition de la tâche, correspondant à la saisonnalité de la production. « La mise en œuvre de l'accord démarrera dans les prochaines semaines avec les premiers entretiens annuels entre les représentants des maisons et les TAD, afin de déterminer un volume d'activité prévisionnel pour l'année en cours », explique Sébastien Abgrall. Elle sera « calculée sur la base moyenne des 24 derniers mois », précise l'alinéa sur la clause d'évaluation, et cette disposition n'est pas soumise à un minimum d'activité.

En 2020, les entretiens actualiseront l'activité prévisionnelle et feront le bilan de 2019. Si le volume réel de travail se situe entre 15 et 30 % en dessous du prévisionnel, le TAD recevra une indemnisation correspondant à la rémunération qu'il aurait dû percevoir (dans la fraction des 15-30 %), ou aura la garantie de récupérer cette activité pendant l'année en cours. Si la baisse dépasse 30 %, il recevra une indemnité correspondant à la part comprise entre 15 % et le volume réalisé, ou la garantie d'un rattrapage de commandes. Si la baisse d'activité est en revanche installée, le TAD pourra accepter de poursuivre sur cette nouvelle base (avec l'indemnisation prévue ci-dessus), ou refuser et engager une procédure de rupture du contrat de travail, avec les garanties afférentes : 0,6 mois de salaire brut par année de présence jusqu'à 10 ans d'ancienneté, 0,4 mois au-delà, le tout plafonné à 12 mois et 0,6 mois pour les techniciens ou cadres, jusqu'à 12 mois. Auparavant, ils n'avaient droit qu'aux indemnités du Code du travail (0,2 mois par année d'ancienneté).

Transparence

« Ce dispositif vise à offrir au TAD une sécurisation de la collaboration, à travers une garantie de suivi régulier des rémunérations », explique l'annexe. Cette nouvelle procédure, si elle est bien -appliquée, devrait éviter le contentieux juridique qui a récemment valu une condamnation à Wolters Kluwer, précisément en raison d'une baisse des commandes et de la rémunération. Reste la question du recours aux TAD contraints de s'employer comme autoentrepreneurs, qui vide ces dispositions de tout objet.

Contrepartie de cet engagement, le TAD devra faire preuve de la même transparence et indiquera à chaque -éditeur le volume horaire de ses autres collaborations, afin de mesurer son « degré de disponibilité », et lui éviter « une cotisation indue en cas d'employeurs multiples ». L'entretien annuel doit aussi traiter de la formation des TAD, qui fait l'objet de l'article 8, évoquant une politique « volontariste » en la matière, avec l'objectif d'un développement des compétences et d'un accompagnement professionnel.

Le lissage des rémunérations est l'autre innovation importante -issue de ces négociations, rendue possible par l'engagement prévisionnel : la rémunération sera répartie sur une moyenne annuelle, au lieu d'être versée en fonction du travail exécuté. Le lissage est décidé d'un commun -accord, de -préférence lorsque le TAD dispose de 8 bulletins de salaire sur les 12 derniers mois, et d'un minimum de 500 heures prévisionnelles, prises en compte à 85 %.

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