Le prix Cervantes 2018, plus haute distinction de la littérature hispanophone, a été attribué jeudi 15 novembre à la poète uruguayenne Ida Vitale, 95 ans, a annoncé le ministre de la Culture espagnol et président du jury, José Guirao.
La Sud-Américaine est la cinquième femme à recevoir la distinction, succédant ainsi à la Mexicaine Elana Moniatowska, primée en 2013. Un seul Uruguayen avait été décoré du prix Cervantes auparavant, le romancier Juan Carlos Onetti (1909-1994) en 1980, membre du groupe d’écrivains uruguayens influents "Génération de 45", dont Ida Vitale est la dernière représentante.
Le jury a voulu récompenser "une trajectoire poétique, intellectuelle, de critique littéraire et de traduction de premier ordre", a déclaré José Guirao lors d’une conférence de presse à Madrid. Sa langue est "une des plus remarquables et reconnues de la poésie en espagnol, à la fois intellectuelle et populaire, universelle et personnelle, transparente et profonde", a-t-il ajouté.
"Je n'ai jamais espéré de prix, c'est absolument déconcertant", a déclaré Ida Vitale à l’AFP à Montevideo, peu de temps après avoir appris la nouvelle. "C'est une surprise […] un excès de générosité de l'Espagne", a-t-elle ajouté.
C’est la deuxième fois consécutive qu’un auteur sud-américain remporte le prix Cervantes, alors que l’usage veut que des auteurs d’Amérique latine et d’Espagne soient récompensés alternativement. Ida Vitale succède ainsi au Nicaraguyen Sergio Ramirez.
Le prix Cervantes, nommé en hommage au mythique auteur de L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la manche (Flammarion, 2016) Miguel de Cervantes, est doté de 125000 euros. Il est accordé par un jury de 11 membres, dont ses deux anciens détenteurs, des représentants du monde littéraire et universitaire hispanique, des journaux en Espagne et en Amérique latine et un délégué du ministère espagnol de la Culture.
Une vie d'exil
Né en 1923 à Montevideo, la capitale uruguayenne, Ida Vitale commence à publier ses écrits à la fin des années 1940 et entame une carrière de professeure d’université et de critique littéraire. Poussée à l’exil par le coup d’Etat de 1973, elle se réfugie au Mexique où elle fait la connaissance du futur prix Nobel de littérature 1990, Octavio Paz (1914-1998). Celui-ci l’invite à écrire pour la revue Vuelta, pour laquelle elle chronique le monde littéraire. A partir de 1989, elle s’installe aux Etats-Unis, à Austin (Texas) avec son mari, le poète Enrique Fierro. Depuis la mort de ce dernier, en 2016, elle est retournée vivre dans son pays natal.
Peu connue en France, où son œuvre a fait l’objet d’une traduction tardive en 2016 dans l’anthologie Ni plus ni moins (Seuil, trad. de Silvia Baron Supervielle et François Maspero), Ida Vitale est l’auteure d’une vingtaine de recueils de poèmes. La luz de esta memoria (1949), Cada uno en su noche (1960) et Paz por dos (1994), écrit avec son mari, font partie de ses ouvrages les plus réputés.
Reconnue tardivement par ses pairs, la poète accède pour la première fois à une forme de postérité en 2009 lorsqu’elle est récompensée du prix international Octavio Paz de la poésie. Elle décroche ensuite le prix Reina Sofia 2015 de la poésie ibéro-américaine, plus haute distinction pour la poésie hispanique.
Le 24 novembre, elle se verra remettre le prix FIL de littérature en langues romanes 2018 à Guadalajara, au Mexique, où vient de décéder un autre lauréat du prix Cervantes l’écrivain mexicain, Fernando del Paso.