Bilan

Le Plan librairie deux ans après

Aurélie Filippetti, alors ministre de la Culture, exposant le Plan librairie le 3 juin 2013, lors des Rencontres de la librairie à Bordeaux. - Photo Olivier Dion

Le Plan librairie deux ans après

Livres Hebdo passe au crible les sept grandes mesures annoncées au printemps 2013 par la ministre de la Culture de l’époque, Aurélie Filippetti, et par le président du Syndicat national de l’édition, Vincent Montagne, dont la plupart ont été mises en application, au moins en partie.

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Par Clarisse Normand
Créé le 19.06.2015 à 02h03 ,
Mis à jour le 19.06.2015 à 11h15

Qui dit Lille dit d’abord… Bordeaux. Les précédentes Rencontres nationales de la librairie, il y a deux ans sur les bords de la Garonne, avaient été marquées par l’exposition par la ministre de la Culture de l’époque, Aurélie Filippetti, de son ambitieux plan pour la librairie. Dans la capitale nordiste, une table ronde plénière rassemblera le 22 juin les parties prenantes d’un plan qui devait favoriser les bonnes pratiques et la régulation du marché, et injecter 18 millions d’euros d’aides dans le cadre d’un dispositif abondé à la fois par les pouvoirs publics et par les éditeurs.

1. Les 2 millions de hausse du budget librairie du CNL

L’allocation supplémentaire de 2 millions d’euros par an a porté dès 2014 à 4,6 millions le budget du Centre national du livre (CNL) dédié aux librairies. Ces sommes ont été essentiellement affectées à l’augmentation des crédits à la création et à la reprise de librairies, dont une dizaine d’établissements appartenant au groupe Chapitre, ainsi qu’au financement des conventions territoriales en faveur des libraires.

2. Les 5 millions du Falib

Quoique avec un peu de retard, la totalité des 5 millions d’euros prévus a bien été apportée début de 2014 par le CNL à l’établissement de crédits Ifcic, afin d’alimenter un Fonds d’avances de trésorerie aux librairies indépendantes (Falib) temporairement en difficulté. Depuis lors, l’Ifcic a pu attribuer à une quarantaine d’entreprises des avances remboursables pour quelque 1 million d’euros. Ses garanties ont aussi permis d’en aider une centaine à obtenir de crédits bancaires. Au total, "les interventions de l’Ifcic ont permis la levée de plus de 7,2 millions de crédits en faveur des librairies", a récemment annoncé l’établissement. Toutefois, selon Vincent Monadé, président du CNL, le Falib, qui doit encore se faire connaître pour atteindre sa vitesse de croisière, se révèle "légèrement surdimensionné". Il évalue plutôt ses besoins annuels à 3 millions d’euros environ.

3. Les 4 millions destinés à faciliter les transmissions

Le CNL a versé début 2014 à l’Association pour le développement de la librairie de création (Adelc) les 4 millions d’euros annoncés par la ministre de la Culture pour renforcer son dispositif d’aide à la transmission d’entreprises. Lors de la liquidation du groupe Chapitre, 1 million d’euros environ a ainsi pu être consacré à la reprise et donc au sauvetage d’une dizaine de librairies menacées de disparition. Avec plusieurs autres transmissions importantes, parmi lesquelles celles de Coiffard à Nantes, Le Failler à Rennes ou encore Quai des Brumes à Strasbourg, le fonds a été largement entamé. Les aides étant attribuées sous forme de prêts, la cagnotte a toutefois vocation à se reconstituer progressivement au fil des remboursements pour servir de manière récurrente.

4. Les 7 millions des éditeurs

Annoncés au nom des éditeurs sur une période de trois ans, jusqu’à la fin de l’exercice 2015, par le président du SNE, Vincent Montagne, P-DG de Média-Participations, les 7 millions d’euros suscitent eux beaucoup d’interrogations, voire d’insatisfaction. Seul un petit million d’euros aurait jusqu’à présent été versé à l’Adelc chargée de gérer ces fonds. Cette collecte, basée sur la contribution volontaire des éditeurs, prenait à l’origine appui sur une baisse de la TVA sur le livre de 0,5 %… qui n’a finalement pas eu lieu. Vincent Montagne, qui salue la mobilisation des éditeurs malgré le changement de contexte, précise que les membres du bureau du SNE ont pour la plupart soit déjà versé leur contribution, à l’instar d’Actes Sud ou de Média-Participations, soit pris l’engagement formel de le faire, comme Hachette Livre en mars dernier ou comme, tout récemment, Gallimard. Il fait valoir aussi que le soutien des éditeurs a aussi pris d’autres formes, avec en 2014 la reprise par Albin Michel et Gallimard de librairies Chapitre.

5. La nomination d’un médiateur

Revendication de longue date des libraires, un médiateur du livre a finalement été nommé mi-2014 en la personne de Laurence Engel, magistrate à la Cour des comptes. Forte de sa mission de régulation, elle a déjà été saisie de plusieurs dossiers importants, à commencer par celui concernant les services d’abonnements de lecture numérique dits illimités. Ayant rendu en mars son avis sur la légalité de ces offres dès lors que le prix de vente est fixé par l’éditeur, elle est depuis entrée dans la deuxième phase de son travail en négociant de manière bilatérale avec chacun des opérateurs concernés une mise en conformité avec la loi. Son intervention dans le cadre de la table ronde dédiée au Plan librairie pourrait lui permettre d’annoncer les premières adaptations qui ont pu être trouvées avec certaines librairies numériques, dont Izneo et Youscribe. Sollicitée sur d’autres dossiers, parmi lesquels celui des marketplaces, Laurence Engel salue au terme de ses premiers mois d’activité l’attitude des professionnels qui "ne rechignent nullement à discuter".

6. L’assermentation d’agents pour constater les infractions à la loi sur le prix unique

Complétant la loi du 17 mars 2014, le décret relatif à l’habilitation d’agents du ministère de la Culture en matière de contrôle du prix des livres a finalement été publié au Journal officiel le 11 mai. Pour que la mesure soit effective, le ministre de la Culture doit désormais nommer des agents qui seront issus des directions régionales de l’action culturelle et de l’administration centrale, soit environ une vingtaine de personnes.

7. Une réglementation sur la gratuité des frais de port

Sans avoir officiellement intégré à son Plan librairie une mesure sur le sujet, Aurélie Filippetti avait largement dénoncé les pratiques tarifaires agressives des grands sites Internet et appelé de ses vœux une nouvelle réglementation sur la gratuité des frais de port. Le 8 juillet 2014, une loi est venue encadrer les conditions de la vente à distance de livres en interdisant le cumul de la gratuité des frais de port et d’un rabais de 5 % pour les commandes envoyées directement aux clients. Une victoire pour les libraires : selon Matthieu de Montchalin, président du SLF (Syndicat de la librairie française), la nouvelle loi ne serait d’ailleurs pas étrangère aux récentes contre-performances de la librairie en ligne, et notamment d’Amazon.

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