Le sport automobile est peut-être l’un des moins "littéraires" des sports. Du moins, s’il faut en croire le peu de pages qui lui ont été consacrées. Quelques lignes ici de Michel Leiris, là de Jean-Philippe Toussaint, deux beaux livres de Jean-Philippe Domecq, un moins indispensable d’Erich Maria Remarque, voilà toute l’affaire. Il n’est question en la matière que de vitesse, de trajectoires, de choses avant tout graphiques et musicales. Dès lors, il ne suffit pas de rouler à tombeau ouvert vers sa mort, comme le fit, après beaucoup d’autres, le pilote brésilien Ayrton Senna, qui toucha au but le 1er mai 1994 sur le circuit d’Imola, en un dimanche ensoleillé sur l’Emilie-Romagne, pour accéder à quelque olympe d’éternité. Sauf si Bernard Chambaz s’en mêle.
Le sport irrigue plus ou moins toute l’œuvre de Chambaz (comme dans Plonger, Gallimard, 2012, consacré à la figure tragique d’un gardien de but allemand suicidé), sa musique, son trait, son style. Dans ce A tombeau ouvert, il convoque pour accompagner Senna vers son destin la mythologie, son goût de l’Histoire, de l’Italie, du soir qui tombe. Ce qui demeure des dieux dans les jeux des hommes. Quelque chose de l’ordre de la vanité, de l’enfance et de ses chagrins. Senna est le centre de cette cosmogonie moins fascinée qui attendrie. L’accompagnent d’autres figures aux contours plus ou moins estompés : Fangio, Lorenzo Bandini, qui mourut dans les flammes sur le port de Monaco, Tazio Nuvolari qui n’eut pas cette chance, Jim Clark, le plus grand de tous, disparu dans une forêt allemande. Et puis surtout, Martin, ce fils perdu que, de livre en livre, Bernard Chambaz retrouve. Comme parfois le temps, lorsqu’il est celui de l’enfance, peut être retrouvé.
Olivier Mony