Susan Green, 45 ans, la narratrice du premier roman de Sarah Haywood, s’enorgueillit d’être pragmatique et de ne jamais être prise au dépourvu. "Je me définis comme une femme autonome et pleine de ressources", affirme-t-elle sans détours. Collectionneuse de cactus, elle ne laisse personne s’approcher trop près, évite "tripotage et jacasseries" et tout engagement sentimental. Travaillant dans un cabinet de conseil juridique à Londres, elle habite seule dans un petit appartement dont elle est propriétaire et toute sa vie est régie par des contrats plus ou moins formalisés comme celui qu’elle a passé avec Richard, son "petit ami" depuis douze ans.
Par-dessus tout elle n’aime pas que le réel lui résiste. Mais en quelques mois, les imprévus vont s’enchaîner: elle est enceinte et elle perd sa mère. Puis elle découvre que celle-ci a rédigé un testament quelques mois avant son décès donnant à son frère, dont Susan méprise le côté assisté, l’usufruit de la maison familiale à Birmingham. Pas de doute, pour la fille qui s’estime injustement lésée, il s’agit d’un abus de faiblesse: ce frère parasite a tout manigancé et fait pression sur leur mère. Le temps de la grossesse, mois après mois, Susan mène l’enquête et lance une procédure de contestation de l’héritage. Elle cherche des preuves dans les affaires de sa mère, interroge des témoins potentiellement alliés: les voisins, sa tante, un pasteur proche de la défunte… Par ailleurs, elle a signifié son congé au père de l’enfant mais celui-ci se rebiffe et demande à redéfinir les termes de leur contrat.
Gentiment moqueuse vis-à-vis de son personnage, Sarah Haywood, avocate de profession, donne peu à peu de l’épaisseur à cette héroïne dont l’armure se fissure lorsque des révélations concernant un passé plutôt tragique ébranlent son équilibre. Comme dans une bonne comédie romantique, la célibataire rationnelle et obsédée du contrôle révise ses certitudes. Et un vieil ami du frère honni, un jardinier paysagiste pas du tout son genre, ne sera pas étranger à cette métamorphose. Ce dernier lui expliquera que les cactus ont développé "des épines plutôt que des feuilles afin de réduire la perte d’eau tout en offrant de l’ombre au corps de la plante": une stratégie de préservation. V. R.