Le roman le plus déroutant de la rentrée étrangère de janvier est sans doute celui d’Andri Snaer Magnason. Connu jusqu’ici pour un livre destiné à la jeunesse, Les enfants de la planète bleue (Gallimard, 2003), l’Islandais débarque chez Zulma avec une fable résolument peu banale. Laquelle s’ouvre avec un homme dans un avion, quatre heures avant sa mort, une graine posée dans la paume de sa main.
Avant de découvrir l’identité de l’homme en question, le lecteur entend parler de Paris envahi par les sternes arctiques, "belliqueuses créatures" qui ne migrent plus d’un hémisphère à l’autre. Il y a aussi l’apparition à Chicago de mouches à miel, insectes piquants, bourdonnants qui rendent les gens fous. Des phénomènes peut-être liés à une atmosphère saturée d’ondes, de messages, d’émissions et de champs magnétiques.
Dans un hangar désaffecté de l’aéroport de Reykjavik s’est réuni un groupe international constitué d’ornithologues, de spécialistes en aérodynamique et en chimie organique. Tous cherchent à découvrir le secret régissant le sens de l’orientation. L’entreprise à été baptisée LoveStar, tout comme son directeur. Qui n’est autre que le fameux homme dans l’avion avec une graine dans la paume. Un personnage de haute taille, svelte, avec le regard perçant. LoveStar ne recherche pas la publicité et pratique plutôt au contraire "l’anti-promotion". Le travail de tous les chercheurs qu’il a enrôlés a contribué à la faillite de l’industrie du satellite et à l’avènement de "l’homme sans fil".
Un homme moderne, constamment connecté, à l’instar d’Indridi Haraldsson, capable de monologuer dans la rue avec un interlocuteur invisible. Il convient d’expliquer que ce gentil garçon appliqué est une réplique de sa propre personne ! Qu’il a été rembobiné et a eu une seconde naissance à l’âge de 5 ans tant il était jusque-là un horrible garnement résolument incurable !
Le meilleur des mondes dépeint par Andri Snaer Magnason dans LoveStar, que Zulma situe avec raison entre Italo Calvino et les Monty Python, est à la fois drôle et tragique. On peut y croiser des aboyeurs publicitaires, des hébergeurs clandestins. On peut y louer des zones langagières de son cerveau ou même des sentiments. Pas la peine de paniquer puisque l’ingénieux LoveStar a également créé "ReGret" avec l’idée de rapprocher le monde du bonheur. Soit un outil qui a la capacité de tout prévoir et qui permet aux gens d’apurer le passé et de faire face à chaque nouvelle situation. Que demander de mieux ? Alexandre Fillon