"Phrase après phrase, Salter est le maître", clame Richard Ford. Difficile de mieux dire à propos de l’auteur d’Un bonheur parfait (éditions de l’Olivier 1997, repris chez Points). Un styliste, élégant et précis, de haute volée, dont le dernier roman en date, Et rien d’autre, est un nouveau tour de force. Le rideau s’ouvre pendant la phase terminale de la guerre dans le Pacifique contre le Japon. Officier de marine, le héros de Salter est le sous-lieutenant Philip Bowman.
Né en 1925 comme l’écrivain, il a un père avocat parti de la maison quand il avait 2 ans et une mère qui ne s’est jamais remariée. Le jeune Philip a toujours été proche de son oncle et sa tante qui tiennent un restaurant. Rendu sain et sauf à la vie civile, il étudie l’allemand à Harvard. Pense vouloir devenir un scientifique avant d’être tenté par le journalisme. Puis de démarrer dans l’édition chez Braden & Baum.
Bowman a lu Tolstoï et John O’Hara. Il aime traîner dans les bars de New York, regarder les femmes. Son premier flirt se nomme Susan Hallet, une fille de Boston élancée. La blonde Viviane Amussen, elle, vient de Washington et travaille comme hôtesse d’accueil chez un notaire. Rapidement, Bowman lui explique qu’elle lui fait penser à un poney tant elle a l’air belle et libre.
A New York, monsieur emmène la dame dans un restaurant où Hemingway a situé sa nouvelle Les tueurs. Il aime sa compagnie, l’avoir auprès de lui. Il l’épouse, malgré l’avis défavorable de Amussen père, et divorce d’avec elle ensuite… Salter nous promène dans un monde englouti en parlant admirablement de la fragilité des choses et de l’amour, "cette fournaise dans laquelle tout se consume".
L’écrivain a l’art de la scène, du dialogue, du raccourci. Une manière musicale de peindre les êtres et les lieux d’un geste assuré et gracieux. Aucune fausse note chez ce prosateur au sommet de son art à la mélodie élégante et langoureuse. Aérien et profond, Et rien d’autre tient du chef-d’œuvre.
Al. F.
James Salter, Et rien d’autre, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville, éditions de l’Olivier, 22 euros, 365 p., ISBN : 978-2-8236-0290-6. Sortie : 21 août.