Payot a la bonne idée d’exhumer un livre savoureux datant de 1968. Les Mémoires de Margaret Powell ont, il est vrai, inspiré une série britannique devenue culte, Downtown Abbey, qui revisite le thème inoxydable des maîtres et valets.
La dame, qui prend ici la plume et ne mâche pas ses mots, a vu le jour en 1907. A Hove, près de Brighton. Margaret Langley est la deuxième d’une famille de sept enfants. Son père est un artisan peintre, sa mère une femme de ménage entrée « en condition » en 1895. La petite Margaret aime très tôt l’odeur du pain à la boulangerie. Elle passe beaucoup de temps à jouer dans la rue : à la marelle, aux billes ou aux boutons.
A 13 ans, bien qu’elle ait apprécié d’être institutrice, elle arrête l’école pour faire le ménage chez un couple de personnes âgées dans une maison de plain-pied. Puis la voilà employée dans un magasin de bonbons avec le droit d’en manger autant qu’elle veut. Ensuite, elle se retrouve trieuse de linge dans le plus grand hôtel de Brighton. Pas cher payée mais bien nourrie.
Détestant la couture, elle entre comme fille de cuisine chez le révérend Clydesdale et son épouse. Avec son uniforme bleu et son chignon serré, elle commence sa journée à cinq heures et demie, six heures le week-end, et trime jusqu’à huit heures du soir. Pas le temps de chômer ou de rêvasser avec la préparation des divers repas. Sans compter qu’elle doit aussi sortir « l’horrible petit chien » de sa patronne !
Un an plus tard, Margaret débarque à Londres. D’abord Thurloe Square, chez Mrs Cutler dont le mari est « une grosse légume de la City » qui ramène de la chasse faisans et lièvres pleins de sang. Puis chez la radine Lady Gibbons. Avant qu’elle ne rencontre son mari, un laitier qui préfère un fish and chips à ses petits plats !
Très enlevées, ces Tribulations d’une cuisinière anglaise préfacées par Mario Pasa montrent comment leur alerte auteure a cheminé dans l’existence. Comment elle a sillonné les arcanes du monde « d’en bas », en référence au monde d’en haut. Celui des maîtres. Al. F.