Le 18 mars dernier, la Cour d’appel de Paris s’est penché sur la protection d‘un article de presse, repris dans un livre sans autorisation aucune.
Les articles de presse sont bien entendu protégeables dès lors qu’ils dépassent le stade de la simple information brute et du style télégraphique. Les dépêches d’agence ont ainsi pu être considérées comme non originales et donc non susceptibles d’être protégées par le droit d’auteur stricto sensu, mais elles peuvent constituer une « propriété particulière acquise à grands frais ».
Le 18 mars 2014, les magistrats ont ainsi estimé que « l’auteur a fait le choix, pour étayer son analyse sur les relations hommes/femmes outre Atlantique, d’associer les articles préexistants, au demeurant clairement identifiés par la journaliste. Par delà la combinaison particulière de ces emprunts, l’œuvre révèle une expression propre au moyen de passages introductifs, transitifs ou conclusifs qui recèlent une valeur intrinsèque ».
De même, les interviews, comme les lettres missives, sont fréquemment admises au bénéfice du droit d’auteur.
Il arrive aux éditeurs de vouloir reproduire une interview accordée précédemment par une personnalité à une revue, de faire retranscrire un débat déjà diffusé à la radio ou à la télévision, ou encore de commander un véritable livre d’entretiens.
Ces différentes formes de dialogues, pour présenter entre elles quelques variantes d’apparence, n’en connaissent pas moins un régime juridique commun très précis.
Les entretiens dont la première divulgation est écrite – c’est le cas, par exemple, d’un livre d’entretiens élaboré au fil d’une correspondance croisée sous forme de questions/réponses – sont couverts par le droit de la propriété littéraire et artistique.
L’éditeur aura affaire en principe aux deux coauteurs que sont l’interviewé et l’interviewer. Néanmoins, si l’une des participations manque d’originalité, élément nécessaire à une protection par le droit d’auteur, son auteur ne pourra pas être considéré comme coauteur.
Ainsi, l’interviewer est seul auteur, si les réponses à ses questions sont remarquablement banales ou s’il les a totalement mises en forme. C’est ce qu’a pu juger le tribunal de grande instance de Paris, en 1972, dans une affaire ayant opposé André Passeron à Philippe de Gaulle. Il en a déjà été considéré de même à propos des simples renseignements recueillis par un journaliste à l’occasion d’un fait divers.
Certains ont pu semblablement estimer que l’opinion exprimée par les interviewés relevait souvent du domaine des simples idées, dont on dit fréquemment qu'« elles sont de libre parcours », c’est-à-dire qu’elles ne sont pas susceptibles d’appropriation.
Parfois, ce sera à l’interviewé seul que sera accordée la qualité d’auteur, si les questions sont banales ou si les propos recueillis n’ont aucunement été retravaillés par le journaliste.
Par surcroît, l’éditeur devra veiller à ce que l’interviewé ait réellement pu vérifier les propos qui lui sont attribués. En effet, il a déjà été jugé par la Cour de Paris, en 1988, que « suivant le principe de bonne foi nécessaire à l’exécution des engagements, doit être interdite toute dénaturation des propos de l’interviewé qui tendrait, volontairement ou non, à masquer la portée ou le contenu de celle-ci, à l’altérer et à donner de son auteur ou de sa personnalité une image déformante, notamment par le choix de l’ordre dans lequel sont présentés les témoignages de personnalités dont les sensibilités divergent à propos d’un même événement ».
Le droit au respect de l’œuvre, qui est un des attributs moraux de l’auteur, est alors en cause, de même que les droits dits de la personnalité; et ces derniers s’exercent même au profit de ceux qui n’auraient pas la qualité d’auteur.
Dans la plupart des cas, l’éditeur publiera donc une œuvre dite de collaboration, régie par les articles L. 113-2 et suivants du CPI.
Les coauteurs se partagent alors la propriété de l’entretien. Cette propriété commune ne signifie pas pour autant que leur rémunération devra être égale. Mais, aux termes de l’article L. 113-3 du CPI, « les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer ».
Reste que l’organe de presse par qui l’entretien aura pu être originellement publié ou diffusé sera l’interlocuteur obligé de l’éditeur si les auteurs lui ont préalablement cédé, en bonne et due forme, la totalité de leurs droits. C’est rarement le cas en pratique, même si journaux et télévisions commencent à faire signer, à leurs journalistes, les clauses idoines et, à leurs invités, des autorisations écrites de plus en plus détaillées.
Si l’entretien a eu lieu oralement entre deux personnalités et que l’intervention d’un rewriter apparaît nécessaire, ce dernier partenaire peut également, en fonction de la nature de sa prestation, revendiquer valablement la qualité d’auteur.
Enfin rappelons que la question de la titularité des droits - qui de l’éditeur de presse ou des auteurs est apte à autoriser l’exploitation d‘un article – est devenir encore plus complexe ces dernières années en raison des interventions du législateur, alarmé par des entreprises aussi malmenées que lobbyistes.