Juridique

Le droit dans la cité : X, Meta & co : de la modération dans un monde excessif

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Le droit dans la cité : X, Meta & co : de la modération dans un monde excessif

Alors que Donald Trump a effectué son retour à la Maison blanche, Mark Zuckerberg a déclaré aligner sa politique de modération sur celle de X, l’ex-Twitter désormais détenu par Elon Musk. Notre chroniqueur s’interroge sur les conséquences sur l’État de droit d’une telle décision.

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Par Alexandre Duval-Stalla
Créé le 16.02.2025 à 13h30

Le 20 janvier 2025, s’est installée à la Maison Blanche, la nouvelle « trinité » du pouvoir suprême américain : le 47e président Donald Trump, épaulé par le milliardaire Elon Musk, patron de X, et soutenu par le patron de Meta, Mark Zuckerberg, qui, en gage de son ralliement, est apparu dans un nouveau look d’adolescent attardé avec cheveux bouclés, tee-shirt noir et pendentif doré et a annoncé la fin de la politique de modération des contenus sur Facebook et Instagram et des partenariats de fact-checking avec des médias reconnus comme l’AFP, remplacés par un système de notes d’internautes inspiré de X, le réseau d’Elon Musk.

La modération des contenus : un pilier pour la protection des droits fondamentaux

Dans le monde numérique, où les plateformes comme X (anciennement Twitter) et Meta (société mère de Facebook et Instagram) jouent un rôle central dans la diffusion de l'information, la modération des contenus a longtemps été perçue comme le bon équilibre entre la liberté d'expression et la protection contre les abus en ligne. La décision de ces géants technologiques de réduire ou de cesser la modération des contenus soulève de profondes inquiétudes concernant ses conséquences sur l'état de droit et la liberté d'expression.

Historiquement, la modération des contenus sur les plateformes numériques était conçue pour prévenir la propagation de discours haineux, de désinformation et d’autres contenus nuisibles. Ces mécanismes, bien que parfois critiqués pour leur manque de transparence ou leur partialité, étaient considérés comme une nécessité dans un environnement en ligne caractérisé par son ampleur et sa vitesse de diffusion.

En supprimant ou en limitant ces politiques, les plateformes exposent leurs utilisateurs à une augmentation significative des contenus préjudiciables. La prolifération de discours haineux et complotistes et d’appels à la violence peut non seulement nuire à des minorités, mais surtout éroder la confiance dans les institutions démocratiques et exacerber les divisions sociales.

Fausses informations et discours de haine

L’état de droit repose sur des principes tels que l’égalité devant la loi, la protection des droits individuels et la responsabilité des actes. Lorsque les plateformes numériques cessent de modérer efficacement les contenus, elles créent un espace propice à l’anarchie informationnelle où la désinformation ne cesse de prospérer.

C’est notamment le cas pour les élections qui sont désormais régulièrement compromises par des campagnes massives de désinformation. Sans modération, les fausses informations se répandent rapidement, influençant les opinions publiques et compromettant l’intégrité des processus démocratiques. Tel est le cas flagrant avec Elon Musk qui ne cesse de propager de fausses informations en Angleterre et en Allemagne en soutien des parties d’extrême-droite.

Il en va de même avec les discours de haine et radicalisés. En effet, l’absence de modération favorise un environnement où les groupes extrémistes peuvent s’organiser, recruter et propager leurs idéologies. Cela augmente le risque d’attaques violentes et de déstabilisation sociale.

Cette nouvelle politique conduit surtout à limiter la responsabilité des plateformes. En effet, les plateformes arguent souvent de leur rôle d’intermédiaire pour échapper à la responsabilité juridique. La fin de la modération renforce cette position, laissant peu de recours aux victimes de contenus nuisibles.

Liberté d'expression : entre droit fondamental et arme à double tranchant

La liberté d’expression est un droit fondamental protégé par des traités internationaux et des constitutions nationales. Cependant, cette liberté n’est pas absolue. Elle doit être équilibrée avec d’autres droits, comme la protection contre la discrimination et la sécurité publique.

Paradoxalement, un espace non modéré peut restreindre la liberté d'expression des utilisateurs qui craignent les attaques en ligne. Les voix vulnérables, en particulier celles des minorités, risquent de se retirer de ces réseaux sociaux. De même, l’absence de contrôle sur les contenus accroît la difficulté pour les utilisateurs à distinguer les faits des fausses nouvelles, minant ainsi leur capacité à participer à un débat éclairé.

Tournant décisif pour l’écosystème numérique

La fin de la politique de modération des contenus par X et Meta représente un tournant décisif pour l’écosystème numérique. Les conséquences potentielles sur l’état de droit et la liberté d’expression exigent une réflexion approfondie et des actions concertées. Dans un monde où les plateformes numériques définissent de plus en plus les contours du débat public, il est impératif de trouver un équilibre entre liberté et responsabilité pour protéger les fondements de nos sociétés démocratiques.

Car le droit d’expression tel que conçu par ces adolescents mal dégrossis en mal de puissance virile est surtout celui de ne faire entendre qu’une seule voix : la leur. En réalité, cette attitude n’est pas nouvelle. Elle a pour nom la propagande et existe depuis que le pouvoir ne cherche à faire entendre que sa voix. Sauf que la démocratie, que les mêmes dépeignent des pires maux, a justement pour objet d’organiser l’expression de la pluralité et de la diversité des voix. C’est sa force et sa faiblesse.

Mais, ne nous y trompons pas, ces « virilistes » sont généralement les plus lâches et prêts à se soumettre au plus fort venu. Aujourd’hui Donald Trump, hier et demain les juges indépendants comme au Brésil avec X ou en France avec Telegraph et des gouvernements attachés à l’État de droit.

Alexandre Duval-Stalla

Olivier Dion - Alexandre Duval-Stalla

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