Le Salaire de la destruction n'est pas un livre facile. C'est un ouvrage universitaire, dense, précis, argumenté, avec des faits, des chiffres, des tableaux. Sa lecture est ardue, mais ce qu'il nous dit est essentiel pour la compréhension du IIIe Reich. Jamais encore il n'avait été raconté ainsi, en termes de balance des paiements, de flux financiers, de marché des changes, de politique fiscale.
Le travail d'Adam Tooze, professeur à l'Université de Yale, est déjà traduit dans plusieurs langues et a été salué par trois grands prix d'histoire en 2006 et 2007. Il bouleverse les idées reçues, porte un coup sévère à la mythologie de la résorption du chômage par la construction des autoroutes et donne des éléments concrets sur la vie quotidienne des Allemands en matière de logements ou de salaires.
Il montre que le redressement productif voulu par Hitler n'a été possible que grâce au soutien empressé du grand patronat à l'installation d'un régime totalitaire et antisémite. En fait, c'est la préparation de la guerre qui mobilise l'essentiel des efforts industriels. Pour savoir l'impact de l'Anschluss sur la balance des paiements, les conséquences de l'accélération des dépenses militaires sur le marché du travail ou la manière dont le Reich tira profit de la persécution des Juifs allemands, ce livre est exemplaire. Il explique pourquoi Hitler, après avoir reculé, s'est finalement lancé dans cette guerre raciale avec son programme de destruction massif.
Malgré l'acharnement de Speer, la machine financière allemande devient vite aussi délirante que le Führer. L'effroyable réalité de l'économie de guerre nazie apparaît dans sa dimension apocalyptique. Le coût de la barbarie, lui, est incalculable. Adam Tooze a écrit la première grande histoire économique du régime nazi, une économie inspirée par Mein Kampf. On y apprend beaucoup de choses, notamment que l'idéologie ne fait jamais bon ménage avec l'économie.