A Buenos Aires, dans les années 1970, Isabel Perón étant encore au pouvoir avant d’être renversée par le sinistre dictateur Videla, Rolf Böll, qui fut gardien à Auschwitz, est retrouvé mort chez lui. "Suicide", concluent hâtivement ceux que cette solution arrange bien, c’est-à-dire les différentes instances de la police, corrompue, sans foi ni loi, qui se livrent une lutte acharnée pour exister.

Mais Lascano, un policier intègre, attachant et consciencieux, courageux à sa façon, surnommé "Perro" ("le Chien") pour sa ténacité, ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, il s’agit bien d’un crime maquillé, ce que confirme le légiste. Böll s’est noyé dans son sang, exécuté par le jeune Gustavo Ekland, fils de nazi également, flic camé et factieux, sur ordre de ses chefs, dont Villa, un vrai monstre, lequel ne l’emportera pas au paradis quand la guerre des polices fera rage. Le tueur, en partant, a perdu un bouton de manchette SS, qui appartenait à son cher père. Quant à Böll et sa femme, Herta Bothe, ex-SS également, criminelle de guerre libérée en 1951, petits nazis "de base" - les "médiocres" de Mallo, ce sont eux -, ils ont rapporté d’Allemagne un certain nombre de secrets sensibles, consignés dans le journal du "suicidé", que trouve Lascano. Pour le lire, il doit le faire traduire, et rencontre ainsi Marisa Frauberg, une juive germano-russe dont les parents ont été éliminés à Auschwitz, et dont il va tomber éperdument amoureux. Mais comment s’aimer au pays des escadrons de la mort, qui mitraillent les étudiants, assassinent tous les "marxistes", en particulier les intellectuels et les artistes, lorsqu’ils ne se livrent pas, entre eux, à de sanglantes vendettas? Lascano songe à tout laisser tomber, à démissionner. En aura-t-il le temps?

C’est original, touffu mais bien maîtrisé, formellement intéressant, et le héros est vraiment très attachant. On espère qu’il surmontera cette sombre affaire, pourra rebondir, et vivra de nouvelles aventures. J.-C. P.