Voilà un essai qui va ravir ceux qui n’en peuvent plus des nouveaux régimes, des préceptes de vie saine et des sommations à consommer cinq fruits et légumes par jour. L’ouvrage vient pourtant de la Suède, un pays où la forme est une manière de vivre. Mais les deux auteurs - tous deux enseignants dans une Business School - en veulent visiblement à tous ces professeurs de bien-être qui non seulement vendent du vent, mais se font les serviteurs zélés de la consommation chère, des repas sans gras et du footing délétère. Car pendant que les joggeurs joggent et que les mangeurs se restreignent, ils ne pensent plus à autre chose qu’à leur corps. Pour le corps de la politique, on repassera. Car à force de se préoccuper de soi, on se fout du monde.
Carl Cederström et André Spicer ne s’en prennent pas au bien-être en soi, cela serait absurde, mais au bien-être comme idéologie. Car la mauvaise santé est une menace pour le travail. En revanche, la forme est synonyme de productivité. D’où l’instauration d’une "biomorale" qui oblige à la joie et à l’équilibre avec des DRH qui se transforment en "directeurs de bonheur".
La charge contre cette quête paranoïaque de la félicité est appuyée, mais sur des exemples très concrets. Ce joyeux anarchisme, qui puise aussi dans la philosophie de Christopher Lasch ou de Slavoj Žižek, distille quelques saines évidences sur l’erreur de prendre son corps pour un système de vérité et sur l’idée que la vie pourrait être mortelle. On se fera une raison avec la formule d’Alphonse Allais : "Ne nous prenons pas au sérieux, il n’y aura aucun survivant."
L. L.