9 novembre > Histoire France

Envisagé il y a dix ans, ce Dictionnaire de l’Empire ottoman tombe à pic. Après les crises qui ont secoué les Balkans, la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne liée à la reconnaissance du génocide des Arméniens et un monde géopolitique bouleversé par la nouvelle place de l’islam, cette somme historique est l’occasion d’un retour sur les relations entre Occident et Orient pendant six cents ans. Du début du XIVe siècle à l’après-Première Guerre mondiale, l’ouvrage examine cet objet historique imposant sous toutes les coutures. Pour chacune des 720 notices, un des meilleurs spécialistes français ou étrangers (ils sont 175) fait le point de la recherche sur un personnage, un lieu, un fait, une notion, une œuvre ou une idée comme celle de déclin ou de despotisme.

Puissance majeure de l’Europe et du Proche-Orient, l’Empire ottoman, qui s’est édifié sur les ruines de l’Empire byzantin en islamisant ses territoires, a durablement impressionné par ses sultans et leurs armées d’esclaves. La menace ottomane ne fut donc pas que religieuse. Face à ce géant, maître de la Méditerranée, de l’Afrique du Nord et de l’Europe balkanique, l’Occident a craint aussi pour sa liberté. Ainsi, en France, la critique de la monarchie absolue a utilisé la condamnation du pouvoir despotique ottoman pour viser Louis XIV.

Agrémenté d’une vingtaine de cartes et plans, abondamment illustré, ce dictionnaire dirigé par François Georgeon, Nicolas Vatin et Gilles Veinstein (mort en 2013) nous fait faire la tournée des grands Turcs avec Soliman le Magnifique, Selim II l’Ivrogne, Ibrahim le Fou ou Mehmed le Chasseur. Puissance politique, mais aussi culturelle, le dernier des grands empires de l’Ancien Monde a durablement influencé ses voisins de l’Ouest comme de l’Est. Revenir à ces sources-là permet de saisir la complexité ainsi que la permanence des frictions dans certains pays, notamment dans les Balkans, même si les situations historiques sont différentes.

Ce monumental dictionnaire s’impose déjà comme un complément indispensable à l’excellente Histoire de l’Empire ottoman (Fayard, 1989) dirigée par Robert Mantran (1917-1999). Par son approche encyclopédique et discursive, au gré de la curiosité, il constitue un bel objet de savoir. L. L.

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