2 MAI - ESSAIS Italie

Carlo Maria Cipolla- Photo DR

C'est l'histoire d'un curieux best-seller. Un livre qui a échappé à son auteur. Carlo Maria Cipolla (1922-2000) était un historien réputé en Italie et au-delà. Il enseignait à l'université de Berkeley aux Etats-Unis, à l'Ecole normale supérieure de Pise, et ses travaux sur l'économie font toujours référence. Puis un jour de 1976, pour s'amuser, à l'occasion d'un livre sur le commerce des épices, après un chapitre savoureux sur le poivre, il se lance dans une démonstration pseudo-scientifique sur la bêtise, avec diagrammes à l'appui pour faire plus savant.

Isolé, ce texte écrit en anglais fut imprimé à cent exemplaires comme cadeau de Noël par un groupe de fans qui se trouva un nom d'éditeur à la raison sociale improbable, Mad Millers, les Meuniers fous. Dans sa traduction italienne chez les éditions del Mulino à Bologne en 1988, Les lois fondamentales de la stupidité humaine se vendront à 350 000 exemplaires, au point de devenir un livre culte de l'autre côté des Alpes.

Balland le publie en 1992, sous le titre italien Allegro ma non troppo, avec une première partie qui reprend l'étude sur le rôle du poivre dans le développement économique du Moyen Age. La seconde partie de ce livre épuisé est donc aujourd'hui proposée par les Puf, avec une nouvelle traduction établie à partir du texte original anglais.

"L'individu stupide est le type d'individu le plus dangereux." On y retrouve donc le fameux constat à partir duquel s'élabore cette théorie du con. "Notre quotidien est surtout fait d'incidents qui nous font perdre de l'argent, et/ou du temps, et/ou de l'énergie, et/ou notre appétit, notre gaieté et notre santé, en raison de l'action improbable d'une créature ridicule qui n'a rien à gagner et qui ne gagne effectivement rien à nous causer de l'embarras, des difficultés ou du mal."

Qu'y apprend-on ? D'abord, l'auteur qui, rappelons-le, dispose autant d'érudition que d'humour fait comme si la stupidité pouvait se quantifier. Il utilise même le symbole O pour désigner "le pourcentage d'êtres stupides au sein d'une population". A partir de ce postulat, il édicte cinq lois fondamentales de la stupidité humaine. Sans l'avoir voulu, Cipolla est à l'imbécillité ce que Newton fut à la gravité. Il la met quasiment en équation.

Ce livre truculent propose même des diagrammes à compléter pour placer vous-mêmes vos importuns. Il nous apprend surtout qu'on peut édicter des lois sur à peu près n'importe quoi. C'est donc une savoureuse mise en garde contre les théories absurdes et, aussi, une façon assez concrète d'aborder un domaine qui a fasciné nombre de beaux esprits comme Robert Musil. Einstein lui-même avait commencé à réfléchir sur le sujet sans pousser l'investigation aussi loin que Cipolla. "Deux choses sont infinies : l'Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue."

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