Singuliers, le nouveau livre de Christophe Carlier, est une ronde, un texte choral. Voici d’abord Franck, qui se souvient de l’apparition dans les rues des "hommes futurs". Ceux qui marchent sur le trottoir "sans hésitation ni faux mouvement", mais avec souvent un fil à l’oreille. Franck, lui, n’a pas de téléphone portable. Il pense que "chaque année nous aide à rogner un peu de nous-mêmes".
Dans le métro, il croise Pierre-François, qu’il n’a pas revu depuis douze ans. Un type que la vie des autres intéresse plus que la sienne, qui a parfois du mal à se fixer sur ce qu’on lui dit. Jadis, tous deux ont aimé une même Coralie. Aujourd’hui, Pierre-François peine à retrouver en Franck le garçon d’avant.
Dans le café aux murs rouges où ils s’attablent ensuite, il y a aussi Claire. Elle attend son amie Alice, dont le retard pourtant la désespère, scrute l’assemblée et cherche à capter les conversations. Claire, Pierre-François l’a remarquée. Il faut encore mentionner Aurélien. Un comédien qui aime avant la représentation aller boire un verre en face du théâtre, "seul et satisfait de l’être". Quant à Luc, il ne fait rien d’autre que marcher depuis qu’il n’a plus de travail et presque pas de maison. Seul également, il explique pourtant que sa drogue préférée est "la parole".
Passant d’un personnage à un autre avec beaucoup de brio, Christophe Carlier parle du regard et du jeu social. Des rencontres et des existences qui se croisent. L’auteur de L’assassin à la pomme verte (Serge Safran éditeur, 2012, repris en Pocket) et de Happé par Sempé (Serge Safran éditeur, 2013) a l’œil et le style nécessaires pour attraper le lecteur et le faire entrer dans la danse. Al. F.