La scène se déroule à Rome, "où les prétextes lyriques se bousculent", en un début d'été italien. Rome, Max Mills s'y rend à la même date depuis neuf ans. Le héros de Jean-Paul Enthoven porte beau. Il s'agit là d'un "homme en pleine existence. Sans graisse. Avec un regard droit et des lèvres pleines". Ce scénariste célibataire et optimiste jouit de tout "sans illusion". Sur place, il a ainsi pour maîtresse Lucrezia. La brune épouse infidèle d'un sénateur à laquelle il envoie des roses après leurs étreintes.

Le bagagiste étourdi de son hôtel le met en présence d'une valise rouge qui n'est pas la sienne, valise rangée dans le coffre d'un taxi à la place d'une autre. Outre deux paires d'escarpins à talons hauts, un arsenal de somnifères et de tranquillisants ainsi qu'un portrait de l'actrice Audrey Hepburn "emballé dans des déshabillés soyeux", elle contient un petit cahier manifestement tenu par une femme, cahier qu'il ne peut s'empêcher d'ouvrir. Et nous voilà alors en face de Marion, une baronne à la "splendeur désolée d'un cristal ou d'un lys". La dame est née trente-cinq ans plus tôt, également un mois de juin, sous le signe des Gémeaux. Elle se trouve être l'épouse du sixième représentant d'une dynastie de banquiers, un dénommé Sixte d'Angus qui n'a manifestement plus toute sa tête.

Comment ne pas succomber à une excentrique qui consulte une voyante et un psychanalyste qui lui a recommandé de lire Anna Karénine ? Marion picore bio. Elle est "lasse de vivre dans un monde intérieur en désordre", se met à croire en Dieu dès qu'elle monte dans un ascenseur. Sur sa route, il y a désormais un Max Mills résolu et arborant la même moustache que Clark Gable. Leur rencontre ne peut donner que des étincelles, provoquer de terribles excès... L'excès, Jean-Paul Enthoven l'assume et avec panache, se jouant ici du romantisme et du kitsch avec un art consommé. Fier hommage à la littérature et au cinéma, son Hypothèse des sentiments galope allégrement hors des modes et du temps.