19 août > Essai Belgique

Au début du XXe siècle, l’historien du droit Paul Huvelin publie deux études dans lesquelles il démontre qu’il existe plus qu’un lien de circonstance entre le droit romain archaïque et les pratiques magiques alors en vigueur dans l’Antiquité. Dans son sillon, l’anthropologue Lucien Lévy-Bruhl explique comment la "magie" vient se nicher dans le droit, principalement dans celui des obligations. Car si personne n’est pour rien dans la définition de la nécessité propre à l’obligation, d’où la tire-t-elle donc ?

Laurent de Sutter reprend le dossier à partir de l’idée de "contrat social". De Rousseau à Agamben, il s’engage dans une réflexion savante sur l’origine de ces liens qui font la nécessité du droit. Les brefs chapitres de Magic sont autant d’étapes sur le chemin touffu qui passe par Montesquieu, Durkheim, Tarde ou Giordano Bruno et qui, à la Renaissance, signale la magie "civile" qui prive Dieu de son pouvoir. Dans les années 1930, le sociologue Georges Gurvitch s’inspire du dominicain hérétique qui finit sur le bûcher de l’Inquisition avec l’intuition qu’il n’y a pas de droit sans magie et pas de magie sans droit.

En élargissant le propos, Laurent de Sutter considère que "le lien social est toujours contingent, là où le lien magique est toujours nécessaire". Directeur de la collection "Perspectives critiques" aux Puf, ce philosophe s’est souvent distingué par sa manière d’explorer des sujets inattendus (Striptease, Le Murmure, 2015 ; Métaphysique de la putain, Léo Scheer, 2014 ; Théorie du trou, Léo Scheer, 2013). Dans Magic, il revient à sa spécialité première, la théorie du droit, qu’il enseigne à la néerlandophone Vrije Universiteit à Bruxelles. Et surtout, il a le mérite de nous rappeler qu’il y a toujours une dimension occulte derrière ce qui peut paraître extrêmement rationnel.

L. L.

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