Quelle expérience! Lire un livre en direct en le commentant n’est pas une mince affaire. Je n’ai que plus de sympathie pour les bloggeurs qui, jour après jour, rendent compte de livres. C’est, comme dirait un HEC-X-Enarque, un « full time job ». A se demander comment ils vivent mes frères en blogitude car leurs écrits pour le moment ne les font pas vivre. Reste que je ne connais pas de médias, écrit, radio et ne parlons pas de la télévision, qui peut ainsi prendre en compte la réalité d’un livre. Vive donc internet et les blogs qui permettent mieux que tout autre média, pour peu qu’on s’en donne la peine (bien réelle) de donner un vrai accès à une certaine idée de la littérature ( Le roi vient quand il veut , même chez Albin Michel, ne sera pas un best-seller, on le craint), rendre justice à un auteur (Pierre Michon, grand écrivain, mérite un public bien plus grand que celui qui est le sien, tellement protégé par ses fidèles qu’ils pourraient l’étouffer) ! Si quelques-uns uns d’entre vous achètent La Grande Beune , les Vies Minuscules ou d’autres livres de Michon, l’expérience n’aura pas été inutile. Et, je crois très sincèrement que vous ne le regretterez pas. Mais « lire avec », ce que je vous ai proposé, suppose que vous lisiez en même temps que moi. Ou plus tard. Mais les commentaires qui ont suivi cette série ne me permettent pas d’en savoir l’impact. L’autre question est : comment « lire avec » ? Lire, c’est à dire ne pas « critiquer ». Alors « citer », mais est-ce suffisant ? J’ai essayé de lire, comme le lecteur que je suis, avec mon histoire personnelle, ma connaissance –insuffisante, forcément insuffisante- de la littérature, mes surprises, mes éblouissements. Je ne suis pas sûr que l’expérience soit concluante, mais elle ouvre pour moi un chemin. J’espère pour d’autres aussi. Et merci une nouvelle fois au Stalker qui l’avait fait précédemment sur son blog ( http://stalker.hautetfort.com/ ) pour Le Tunnel de William H. Glass. Finissons-en donc avec Le roi vient quand il veut et ses onze derniers chapitres, plus même car il faut revenir sur des pages antérieures car quelques découvertes se font jour de chapitre en chapitre. « Le roi » donc c’est la littérature pour Michon. La Bible est son livre de chevet, mieux depuis qu’il l’a découverte, c’est « (m)on pays ». S’il n’a, pas eu d’ « éducation chrétienne », Michon rode autour de cette idée. Allez traduire cette réponse à la question « Avez-vous des crises de foi ? » : « Je pense que nous mourrons et que Dieu existe ». L’impressionnant auteur ne déteste pas ni l’humour ni l’ « imposture ». Il aime Faulkner, Rimbaud, Flaubert, Hugo, Balzac, etc (dans cet « etc » ajoutez aussi bien Bataille, que Sade, Giono que Gracq, etc…) Mais ce qui n’a pas été assez dit dans cette série consacrée au dernier livre de Pierre Michon, et qui est l’essentiel pour le lecteur, c’est sa langue. Une langue magnifique, superbe. Elle naît d’un travail, à partir de ses nombreux « carnets de travail», une « sorte de caverne d’Ali Baba » où il note, citations, images, ressentis, « tout ce qui pourra alimenter ma rédaction (à voir le chapitre consacré aux « Carnets inédits de La Grande Beune ») de ses « blocs de prose », (c’est ainsi qu’il préfère nommer ses livres, lui qui règle de nombreux comptes avec le « roman »). Sa façon d’écrire « dans une jouissance extrême » ? « Quand je suis dans une crise d’écriture, à ma table, j’écris dix heures par jour, deux à cinq pages, au crayon pour commencer. Ce sont des pages où certains mots manquent dans un premier temps mais où la rythmique –c’est à dire la ponctuation et le nombre de pieds des mots à venir- a d’emblée sa forme définitive ». Ecrire c’est d’abord une musique. Pour faire revivre, ressusciter les pauvres hères, ces « journaliers alcooliques du fin fond de la cambrousse » des Vies minuscules il a choisit la « la langue des anges » . « Alors ils sont sauvés et celui qui en parle est sauvé avec eux. » A une prochaine fois. Peut-être…