10 septembre > Chroniques France

Pour quelqu’un qui se veut promoteur résolu des vertus de la paresse (ou du moins de l’indolence) et de la lenteur, Dany Laferrière laisse rêveur. Notre nouvel académicien publie, avec ce vaste et ambitieux L’art presque perdu de ne rien faire, son quatrième livre en moins de quatre ans (après Tout bouge autour de moi, Chronique de la dérive douce et Journal d’un écrivain en pyjama, tous chez Grasset). Du moins en France, puisque chacun de ces livres est préalablement paru au Québec, chez Boréal. Est-ce à dire qu’il y aurait tromperie sur la marchandise indolente ? Nullement, tant c’est du cœur même de ce type de clichés, dont il joue avec une maestria chaque fois plus grande, que Laferrière nourrit ses chroniques, qui sont autant de fables morales. Dans le titre de celui-ci, L’art presque perdu de ne rien faire, donc, on retiendra moins la paresse que la perte et, surtout, l’art. Celui avec lequel l’auteur nous mène en bateau, de torrents vifs et nerveux en fleuves endormis. Fictions, réflexions, commentaires et flâneries en tous genres (tant Laferrière déteste être encagé en aucun d’entre eux) sont au programme, ne s’interdisant rien. Un livre qui, à rebours des cuistres de la pensée contemporaine, pense à tout plutôt que de penser "sur tout". C’est un livre, enfin, qui prend son lecteur au sérieux et le traite finalement avec une infinie bienveillance.

Au fil de chapitres qui sont autant de coq-à-l’âne enchantés, allant de l’art de manger une mangue à celui de la guitare hawaïenne, clos chacun par une petite fable fictionnelle, cet art n’est pas perdu pour tout le monde puisque c’est un art de vivre. Si le propos, cette fois-ci, paraît plus ample que dans son récent Journal d’un écrivain en pyjama, c’est encore une fausse piste tant les hiérarchies sont étrangères à Laferrière et tant ici l’art est aussi, et encore, celui de lire. Borges, Boulgakov, Baldwin ou Salinger (liste non close) sont au menu de ces siestes délicieusement crapuleuses. O. M.

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