À la Bologna Children's Book Fair (BCBF), du 31 mars au 3 avril, principalement dédiée à l’édition jeunesse, les éditeurs peuvent se prendre au jeu vidéo. Pour la première fois cette année, un espace dédié à la rencontre d'une dizaine de producteurs européens est établi sur site, après une expérience réussie à la dernière foire de Francfort.
Un marché dynamique et en croissance
L'industrie du jeu vidéo, portée par une distribution globale et un engagement accru des joueurs, représente aujourd'hui un marché en pleine expansion avec des opportunités économiques significatives pour les éditeurs de livres, selon une table ronde consacrée à la stratégie entre édition et gaming. Comme l'a souligné Thierry Baujard, fondateur de SpielFabrique, « ce qui est très important, c’est que les gens payent pour le jeu vidéo. Nous ne parlons pas seulement de joueurs, mais de payeurs ».

Selon les données présentées issues de Newzoo, la plateforme dédiée aux data du secteur, l’Asie représente près de 50 % des revenus du secteur, confirmant son importance stratégique. En Europe, 51 % de la population joue aux jeux vidéo, avec une moyenne d'âge de 31 ans et une répartition quasi égale entre hommes et femmes (45 % de joueuses).
Les éditeurs indépendants face aux défis financiers
L’un des principaux freins pour les éditeurs de livres souhaitant entrer dans l’univers du jeu vidéo est le coût de développement. « Les studios indépendants européens sont souvent de petite taille et n'ont pas toujours les moyens d’acheter des licences », analyse le Français basé en Allemagne. Cependant, de nombreuses solutions existent, notamment les financements publics (lire ci-après). En France, par exemple, le Centre national du cinéma et la Banque publique d'investissement allouent près de 100 millions d'euros par an au secteur du jeu vidéo. À l’échelle européenne, le programme Creative Europe soutient également les projets narratifs, offrant ainsi des opportunités de co-financement pour les adaptations littéraires.
L’intérêt des IP narratives et de la communauté
L’atout majeur des éditeurs de livres dans ce domaine réside dans leurs propriétés intellectuelles (IP) narratives. « Ce qui est intéressant pour les studios de jeux vidéo, c’est d’avoir des IP narratives avec une fanbase existante », explique Thierry Baujard. Une œuvre littéraire populaire peut ainsi être un excellent point de départ pour un jeu vidéo, permettant de capitaliser sur un public déjà acquis.

Contrairement aux livres et aux films où le produit final est figé, le développement d’un jeu est itératif et interactif. « Dans le jeu vidéo, la communauté participe au développement du projet et s’engage dans son évolution », précise le membre du bureau de la FrenchTech à Berlin. Ce modèle permet d’adapter et d’améliorer le jeu en fonction des retours des joueurs, augmentant ainsi ses chances de succès.
Les success stories et la place des éditeurs de livres
Bien que peu documentée, l’adaptation d’oeuvres littéraires en jeux vidéo, et son pendant, l'adaptation littéraire de jeux vidéo, offre une base solide pour consolider les ponts entre les deux industries.
Le modèle coréen du webtoon illustre également une approche innovante. En développant des IP transversales (bande dessinée, jeu vidéo, séries TV), les studios coréens maximisent la valeur de leurs créations. Une telle stratégie pourrait être envisagée en Europe, à condition d'assouplir les financements en silos qui cloisonnent encore les différents secteurs culturels, selon un spécialiste.
Vers une meilleure structuration des collaborations
Pour renforcer ces synergies, des initiatives commencent à voir le jour, à commencer par ces nouveaux espaces à Francfort ou Bologne. « Nous devons également développer des moments d’échanges entre ces rendez-vous pour développer les relations entre éditeurs et producteurs », commente Thierry Baujard.
Si les obstacles sont réels, les opportunités sont immenses. L’expansion du jeu vidéo, soutenue par des financements publics et un engagement fort des audiences, offre aux éditeurs de livres une alternative stratégique pour valoriser leurs catalogues et atteindre de nouveaux publics.
Du livre au jeu vidéo, mode d’emploi et financement